Alain Mihelic
La Bagna (ou Bania) « баня », un véritable art de vivre.
Dernière mise à jour : 20 juin 2021
La Bagna une des traditions clefs de l’art de vivre Russe, mode convivial de laver son corps sale en famille.

Vous ne vous attendiez pas à ce que quelqu’un vous souhaite une excellente sortie de douche ou de sauna ? C’est aussi une particularité Russe. « Que la vapeur te soit légère », disent-ils, ayant vraiment l’intention de vous féliciter pour vous être lavé avec succès.
Autrefois cette expression était surtout employée par les gens qui ne se lavaient qu’à la Bagna, le sauna Russe. À cette époque on risquait en effet de s’y intoxiquer à l’oxyde de carbone, ces vœux faisaient donc alors sens. Aujourd’hui même si c’est par tradition et par habitude, on le dit toujours avec le cœur.
On peut l’écrire de bien des manières : Bania, Banya, Bagna... mais c'est toujours la « баня ».
La Bagna désigne d’abord les bains publics, ou les habitants se rendaient une fois par semaine en général. De nos jours toutes les maisons privées sont équipées d’une Bagna, et l’usage reste très ancré dans les habitudes.
La Bagna techniquement est déclinée sous plusieurs formes.
La plus ancienne, traditionnelle, la Bagna noire, est abandonnée, mais sa version Bagna blanche est encore en usage, même si elle est devenue rare car délicate et longue à mettre en œuvre et à construire. Les versions pour maisons individuelles, Bagnas modernes sont plus proches de celles que nous connaissons en Europe, répandues sous la forme sauna finlandais, avec chauffage par poêle à bois ou électrique.
La différence principale Sauna/Bagna
La Bagna russe est à bain de vapeur, donc humide et à basse température : 60-65 degrés. Le sauna est sec et à température bien plus élevée : 80 à 110 degrés. L’adaptation aux conditions de confort actuelles amène à un mixage des méthodes pour, en pratique, en venir à humidifier le sauna.
Mais à ces différences purement techniques, s'ajoute l'art de vivre autour de la Bagna russe et ça vous ne le trouverez qu'en Russie. On peut citer : les Veniks ou les vertus de la flagellation, la salle de repos ou les agapes et enfin le saut dans les eaux glacés. La Bagna russe n'est pas un concept de tout repos ! Mais je la pratique régulièrement et je suis encore en vie :))

La Bagna noire
Lors de la préparation de la Bagna qui consiste à faire monter la température de la pièce jusqu'à 60 °C, la fumée qui se dégage du poêle sort à l'intérieur même de la salle, afin d'exterminer tous les microbes et germes qui peuvent s'y trouver. La fumée est ensuite évacuée à l'extérieur pour permettre aux visiteurs d'entrer sans être asphyxiés. C'est donc d'abord par souci d'hygiène que cette tradition voit le jour. La fumée noircit les murs, d'où le nom de Bagna noire.
Regardez cette très belle vidéo, présentant la préparation d'une Bagna noire !
La vraie Bagna blanche traditionnelle
Elle est construite autour d’un poêle à bois de grandes dimensions, érigé en briques. Au-dessus du foyer, des croisillons de tiges de métal retiennent de grosses pierres, qui seront chauffées et léchées par les flammes pendant un minimum d'une demi-journée. Les fumées sont directement évacuées en toiture. La préparation demande un temps très long afin d’accumuler assez de chaleur pour permettre l’utilisation de la pièce-étuve, pendant 2 ou 3 heures. Ci-dessous la vraie Bagna Russe traditionnelle. Vous noterez la dimension du poêle et sa fenêtre permettant l’aspersion. Cette opération est spectaculaire, car la louche d’eau projetée sur les pierres brûlantes, revient dans la seconde à l’horizontale dans la pièce sous forme de vapeur d’eau. Le préposé arroseur doit être rapide et expérimenté

À l’entrée des adeptes, la température de la salle est de 65 degrés environ, et cette température restera stable pendant toute la procédure.
La Bagna moderne
La Bagna est un cérémonial, avec ses variations personnelles, mais les grands principes sont immuables.
À la salle « chaude » sont accolées : une pièce de déshabillage, une salle de douche, une salle de repos. Dans cette dernière, des fauteuils, divans, banquettes vont permettre aux participants de gentiment évacuer la chaleur accumulée par la peau, via une bonne sudation éliminatrice. Les convives auront le boire, en principe pas ou peu alcoolisé et force bricoles à croquer.

La séparation hommes et femmes n’est systématique que dans les Bagnas publiques.
Cette Bagna peut être chauffée par poêle à bois (voir photo ci-dessous). Le réglage de température de la pièce s’obtient par fermeture des arrivées d’air frais sur le foyer. C’est un peu approximatif, car dépendant des qualités du bois utilisé, de la force du vent et du « tirage », mais quand on aime, on ne chipote pas a 10 degrés prés.

Alimentation du Foyer depuis la pièce de repos

Ci-dessus, Bagna typique en pleine opération vapeur.

Ci-dessus belle Bagna Moderne, immaculée conception.
Quand le poêle est électrique, pas de manutention, le réglage de température est précis au degré près, confort assuré, mais le folklore disparaît.
La température sera le plus souvent fixée entre 70 et 90 degrés selon les goûts et capacités physiques d'endurance des convives.
Les Veniks ou la version sado-maso de la Bagna?
À volonté, selon les affinités et la taille du groupe, les invités vêtus ou non d’une serviette, se rendent à la Bagna, ou ils restent en général 15 à 20 minutes, en devisant, parfois en parlant affaires, et en se fouettant vigoureusement les uns les autres avec les gerbes/balais (Veniki) en bois de bouleau ou de chêne ou même d’eucalyptus. La tradition sibérienne se cantonne par force au bouleau.
Les gerbes auront été préalablement macérées dans l’eau chaude pendant une trentaine de minutes pour les ramollir et elles baignent à disposition de tous, dans un seau en bois posé à côté du poêle.

L’eau de vaporisation est préparée auparavant, en y infusant des plantes aromatiques et antiseptiques comme l’eucalyptus, de façon à dégager des odeurs agréables et purifier l’atmosphère de la salle. Cette eau sera projetée sur les pierres entourant le poêle, comme démontré sur la photo ci-dessous.

Fouette Cocher
Se fouetter, a pour rôle d’activer la circulation sanguine, d’ entraîner une plus grande sudation et donc de nettoyer la peau. On utilise les gerbes (Veniki) pour effectuer un massage-gommage de la peau. Une variante plus sophistiquée : gommer avec un mélange de sel fin et miel (ou bicarbonate de soude et Miel). Effet garanti, douceur assurée, peau a croquer.


Après la prise de chaleur, il est nécessaire de se rafraîchir d’une douche froide, ou comme sur la photo ci-dessous de se renverser un baquet revivifiant sur la tète. Tout ce cérémonial comporte une pointe Sado-Maso, mais c'est si bon !

Ou mieux encore de se jeter dans un petit bassin dont l’eau est à 10 degrés, ou encore plus fort, en hiver d’aller courir quelques instants dans la neige et de s’y rouler. Cette dernière variante est plutôt réservée aux intrépides confirmés cuirassés stoïciens.

On répète habituellement l’ensemble du processus deux ou trois fois avant de quitter l’installation. L’opération dure environ 2 à 4 heures.

Au mois de juin, nous récoltons sur les Bouleaux et les Chênes des environs, des extrémités de branches de l’année, que nous mettons à sécher, reliées en petites gerbes (? Faisceaux ? Balais ? Fascine ? Va pour gerbe), pour utilisation pendant l’hiver, à la Bagna : ce sont les fameux « Veniki ».
Bania - La mythique "maison Sandouny" à Moscou
Sandouny est tout simplement un mythe, c’est la plus vieille Bania de la capitale russe. Cet établissement situé au cœur de Moscou est ouvert depuis 1808, et présente une décoration à couper le souffle. Le Hall d’entrée vous met dans l’ambiance tsariste. La salle Gothique est majestueuse. N'hésitez pas à vous y rendre.

