Pas de Russie sans le folklore qui entoure chasseurs et pêcheurs. Ils sont très nombreux, et ils ont à leur disposition le plus grand terrain de jeux du monde.
Parmi les meilleurs film-comédies russes, les péripéties des chasseurs et pêcheurs sont au zénith, temoin ce petit bijoux :
особенности национальной охоты
Ces fréquentes réunions d’ amis, loin des contraintes habituelles sont portes ouvertes a grande liberté. Les provisions de toutes sortes sont accumulées pour ces voyages au long cours : du liquide, du solide, du 2 pattes, du 4 pattes, du 2 jambes.
Les zones d’exploits sont règlementées et gérées par des sociétés agissant sous le couvert des autorités militaires ou de l’administration locale.
Grosse Organisation necessaire également au niveau transport, les distances sont toujours considérables et l'éloignement des sites oblige en général, outre l'avion, a prévoir hélico vers les zones propices.
Les zones de pêches réputées : Volgograd, Astrakhan
Pour la chasse : pléthore de choix en fonction des saisons et des gouts : les oies, canards (à Mourmansk et Naryan Mar sur la mer de Barents, Arkhangelsk sur la mer Blanche),
un peu partout les cervidés, le sanglier, l'ours, et l’élan.
A 250 kilomètres au nord de Moscou, je suis convié par des amis, vers fin octobre 2017.
Cette région est particulièrement riche en gros gibier et se targue de rassembler la plus grande population mondiale d’élans.
Vers l’aventure au Galop :
L’avant-veille de la partie, vérification sans le dire, par les copains, de mes capacités au tir, au fusil à lunette. Veulent surement pas paraitre ridicules devant les pros, au cas où je rate tout ou que je m’évanouisse d’émotion.
Départ tôt le matin, avec armes et sans bagages, car c’est pour un retour dans la soirée, mais on embarque moult glacières, l’optimisme aidant.
Dans mon imaginaire de néophyte, l’épreuve doit être physiquement rude, faite de crapahut, de portage, de marais, de silences, de chuchotements, d’ «épiements» discrets, d’écoutes attentives. Bref je me prépare avec sérieux à l’effort, presque à la guerre.
Arrivés à pieds d’œuvre, présentations, thé de bienvenue, éclaircissements explications sur l’organisation, revue des vêtements et bottes, vérification des fusils, composition des équipes.
Départ vers le garage avant transfert vers le terrain. Le véhicule de transport est un animal hybride, croisé Lada Niva et Camion 50 tonnes, le Big Foot de service est avancé.
C’est Monster Truck, pour la Monster Jam qui se prépare, Auto-trial prêt à sauter par-dessus les haies, les routes, acrobaties assurées, mais pas rassurantes. Montée par une échelle métallique branlante. À l’intérieur pas de fioriture, mais arceaux de sécurité. Je débute en spectateur, assis peinard à l’arrière à lorgner le paysage : étangs, marigots, steppe d’herbes très hautes, type joncs, jaunies, entre coupée de bois de feuillus. Nous glissons sur cette mer herbeuse doucement sans a coups, vitesse réduite mais constante, l'eau jusqu'au moyeux du monstre. Observation. Je m’attends à chaque instant à un arrêt pour commencer la traque pédestre. Rien, ça roule toujours. Détection d’un couple d’élans et leur petit de l’année à 400 mètres. Les bêtes lèvent la tête, mais ne sont pas inquiètes. Elles sont gigantesques, ça doit taper dans les deux mètres au garrot et trois mètres redressé en bout de bois. Les bois des males sont 2 immenses mains aux doigts écartés, comme une invitation.
Approche lente. À 200 mètres elles décident tranquillement de se mettre à couvert dans la foret proche. On continue d’arpenter la savane. Au dépassé d’une haie, nous tombons à 40 mètres d’un groupe de 4 adultes et 2 petits. La voiture s’arrête, les animaux curieux, n’ont pas bougé, le tireur arme, vise à peine, l’un des petits s’abat net, le groupe s’échappe. La voiture s’approche, une corde est passée autour du coup de l’animal et reliée au crochet arrière. Nous rentrons vers le point de rassemblement.... euh... on marche quand ?
C’est à moi de jouer. La promenade motorisée reprend, un peu lancinante, une demi-heure, je suis distrait, presque assoupi, quand tout à coup on s’arrête, chuchotements à mon endroit, ah je les vois à 130 mètres, ils sont trois à nouveau. On m’explique la technique : tranquillement sortir sur le marchepied, m‘appuyer sur le toit, viser la base du cou, je m’exécute et de même pour l’animal. Il fait 20 mètres en courant et tombe. Nous allons le cueillir comme l’autre, à la corde. Chemin de retour j’observe ma victime qui serpente derrière nous dans l’eau. Nouvel arrêt. Cette fois c’est un sanglier trop occupé, à 30 mètres sur un talus, à fouiller l’humus dans un petit bosquet. Pas trop envie de le tirer, déjà assez de viande. Je me fais injurier par l’équipage. Mais tire donc !. Bon, soupir, même punition pour le gourmand, il tombe net. On traine les 2 corps vers le lieu de dépeçage.
Quand nous arrivons la première bête est totalement découpée, désossée, réfrigérée. Les spécialistes se jettent sur les nouvelles proies. Nous remplissons nos boites thermos, conteneurs, et sacs isothermes. L’élan, c’est 140 kilos net de viande et le sanglier 40 kilos. Retour au siège de l’administration du territoire de chasse.
Pot de circonstance, réjouissances mesurées, sauf au niveau du nombre de verres et de degrés, les chasseurs sont gens agréables, et habitués à ces réunions de bravoure ou on échange souvenirs de campagne et exploits de « bravitude » armée. Trophées gigantesques, omniprésents sur les murs, et tous d' un intérêt particulier : défaut de la ramure, replis inattendus, inflexions anormales.
Mais pendant ce temps, les toasts et les verres défilent qui ne sont pas bénins. De notre équipe je lutte seul contre forte partie le verre à la main. Enfin il était temps : les adieux. Je marche encore mais il faut m’ aider à retrouver la voiture. Récupération rapide. En route, instructions vers la maison : commander d’ urgence un congélateur d’ appoint.
Je n'ai pas vécu en France une telle confraternité entre les chasseurs. Elle existe surement, mais elle est ici tres marquée et si démonstrative !
Petite Conclusion provisoire :
Mais quel cadeau que de se retrouver face à une bête sauvage, toute libre et inconsciente, pas craintive pour un sou. Spectacle inouï et magique et rare.
Peut-être seule la Russie peut-elle encore aujourd’hui offrir cette proximité avec l’ animal, souverain dans son habitat, sans la peur, sans la traque et la surprise, l’ animal, dans sa puissance, sa beauté, avec des étonnements dans les regards, et la curiosité aussi.
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