Le rationnement, donc la limitation d’accès aux biens de consommation, comme réponse à l’indigence du système.
De sporadiques problèmes de ravitaillement, ont de tout temps, en toutes contrées, justifié la mise en place d’un encadrement en approvisionnement de denrées alimentaires. Ce sporadique pouvant durer très longtemps en fonction du degré d’incurie des dirigeants.
Le Coupon comme Solution et Riposte à la Pénurie :
Au sortir de la guerre, et pendant celle-ci, le rationnement a été appliqué par de nombreux pays, pour répondre aux difficultés du moment. Guerre, révolution, choc pétrolier, catastrophe climatique, grèves, ou simplement désorganisation générale sont de bonnes occasions pour affamer le populo et serrer les ceintures.
Pour répondre à la pénurie de comestibles, l’URSS avait mis sur pied, à diverses périodes, des systèmes de contrôle par coupons. En 1930, pendant et après la guerre de 45, et aussi en fin des années 70. Ces limitations furent appliquées graduellement et inégalement dans quasi toutes les régions.
Ces dispositions dépendaient des évènements politiques, et des capacités de transport et bien sûr des récoltes. La guerre d’Afghanistan de 1979 à 89 fut une ruine pour l’union Soviétique et l’approvisionnement s’en ressentit.
Les restrictions durèrent jusqu’en 1994, date de leur dernière utilisation.
Les coupons de rationnement concernaient les aliments de base, mais aussi les biens de consommations courants essentiels, tels : chaussures, vêtements, draps, serviettes, etc..
La queue était-elle un moyen de contrôler la consommation en la ralentissant, ou un moyen de contrôler le populo en l’occupant à des taches stériles ?
Une allocation mensuelle ou trimestrielle était remise par l’employeur, sous forme d’un carnet ou de feuilles, à découper pour en extraire le talon correspondant au produit et au mois ou trimestre de valeur. Avoir le coupon, c'était bien, mais pas de garantie que la marchandise soit disponible au magasin. Le cube de viande congelée, sera-ce du gras, de la chair ou un os ? Les chaussures auront-elles la bonne taille ? Sinon bonjour le troc.
Dans les années 80, les Denrées concernées ont, elles aussi, beaucoup varié. D’abord la viande, les saucisses et le beurre. Puis à cette liste ont été ajoutés le sucre et le sarrasin, et dans les années 90, l'huile végétale, les œufs, le thé, le sel et toutes les céréales.
Avec l'introduction de la lutte contre l’alcoolisme, des cartes d'alcool ont été ajoutées aux coupons alimentaires : une bouteille de vodka et deux bouteilles de vin par adulte par mois. Le pic du système des talons est advenu au cours des dernières années de l'Union soviétique, lorsque la désagrégation s'est manifestée dans toute sa splendeur, par des magasins aux rayons vides.
À cette époque, l'État a introduit des tickets pour les produits de première nécessité non alimentaires : savon à lessive et de toilette, détergent à lessive, allumettes, tabac. De plus, à la fin des années 80, lorsque le troc a commencé à être pratiqué en raison du manque d'argent dans les entreprises, les comités syndicaux ont introduit des coupons pour les produits rares reçus à l'usine en paiement des salaires. Dans certains établissements, de tels coupons ont été émis pour récompenser les meilleurs employés.
Témoignage de Youri :
Les coupons concernaient les produits aussi divers que fondamentaux, et les quantités étaient réduites au moins que minimum :
Témoignage de Youri, vivant en Yakoutie dans le centre de la Sibérie. En 1986, l’allocation via les coupons individuels, par mois :
Produit Allocation Remarques
Viandes diverses 2 kg Y compris saucisson etc..
Alcool 2 blles N’importe quel alcool disponible
Sucre 1 kg Y compris les bonbons
Beurre 200 gr
Poudre à laver 1 paquet Par trimestre
Exploration des impacts psychologiques des tickets de rationnement en URSS
Le système de rationnement en URSS, loin de se limiter à un simple contrôle des ressources, a profondément marqué l’esprit des citoyens soviétiques. Les pénuries constantes, les files d'attente interminables et la distribution inégale des denrées de base ont eu des répercussions psychologiques durables sur la population.
L’attente comme mode de vie : l’épuisement mental
Faire la queue devenait une activité quasi quotidienne. Attendre pendant des heures dans l'espoir d'obtenir une ration de viande ou de beurre créait une forme de stress chronique. L’incertitude était omniprésente : à chaque instant, il était possible que le produit tant convoité ne soit plus disponible une fois arrivé au comptoir.
Cette frustration constante a engendré une forme de résignation chez beaucoup de gens, qui avaient peu d’espoir d’amélioration à court terme.
L'attente elle-même devenait une métaphore des promesses non tenues du régime.
Humiliation et perte de dignité
La dépendance à l'État pour des besoins aussi fondamentaux que la nourriture ou les vêtements a été vécue comme une dévalorisation personnelle. Se battre pour obtenir de maigres portions de viande ou échanger ses bons contre des produits souvent défectueux créait un sentiment d'impuissance et d'humiliation.
Dans un système où chacun devait se battre pour des biens essentiels, la solidarité cédait fréquemment la place à la compétition, brisant les liens de confiance entre les citoyens.
Le troc : un retour à la survie
Dans les dernières années de l'Union soviétique, lorsque le troc est redevenu une pratique courante en raison du manque d'argent dans les entreprises, les citoyens ont retrouvé une sorte d’économie préhistorique.
Cet aspect de la vie quotidienne, bien loin des promesses d’une société prospère et égalitaire, renforçait un sentiment d’abandon.
Les habitants étaient contraints de troquer des vêtements contre de la nourriture, des chaussures contre du savon, rappelant ainsi que la survie était un combat de chaque instant.
La dégradation du lien social
Le rationnement n’a pas seulement impacté les individus, mais aussi les communautés. Les files d'attente, au lieu de renforcer la solidarité, exacerbaient souvent les tensions. L'idée que chacun était en compétition pour obtenir des ressources limitées a accentué l’isolement social.
La suspicion envers les voisins, la méfiance envers les autorités et la fatigue émotionnelle ont peu à peu dégradé la cohésion sociale.
En outre, l'injustice perçue, où certains avaient accès à des produits rares grâce à des réseaux informels ou des privilèges, accentuait le ressentiment général.
Une perte de confiance envers le régime
Le système de rationnement a également miné la foi des citoyens dans les promesses du régime soviétique. À mesure que la pénurie s'aggravait, les rayons des magasins se vidaient et les tickets devenaient de moins en moins garants d'un approvisionnement réel.
Cette situation a contribué à éroder le mythe de la puissance économique soviétique. Les citoyens, confrontés à une réalité quotidienne de privation, voyaient de plus en plus l’incapacité de l'État à pourvoir à leurs besoins élémentaires.
Cette prise de conscience collective a précipité, chez beaucoup, une désillusion vis-à-vis du système, et alimenté les envies de changement.
Humour et dérision
Face à ces épreuves, les citoyens ont aussi développé des stratégies psychologiques pour mieux vivre la situation, l’humour jouant un rôle central.
Les blagues sur les files d’attente, les "meilleures techniques pour troquer des chaussures", ou les anecdotes sur la piètre qualité des produits sont devenues des échappatoires pour affronter la dure réalité.
Ce recours à l’humour permettait de relativiser les privations et de maintenir un semblant de moral.
En somme, les tickets de rationnement en URSS n’étaient pas qu’un moyen de distribuer des ressources ; ils représentaient un système de contrôle qui a laissé des traces profondes sur le mental des citoyens. Entre frustration, fatigue, et humour grinçant, les Soviétiques ont développé une résilience, mais au prix d’une dégradation du lien social et d’une perte de confiance envers leur gouvernement.
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pas de Chaussettes, pas de chaussures, va-nu-pieds