Brutalisme
- Alain Mihelic

- 20 juin
- 13 min de lecture
Qu’est-ce que le brutalisme ?
Une Esthétique du Béton Cru ?
Ah! le Brutalisme. Le mot claque comme un marteau-piqueur sur une dalle de béton.
Pour certains, c’est une insulte au bon goût, pour d'autres, une poésie rugueuse érigée au cœur des cités.
Le terme est issu du français béton brut, que Le Corbusier, ce visionnaire de l’angle droit, et premier utilisateur systématique du béton armé, popularise dans les années 1950.
Le Brutalisme architectural, c’est l’honnêteté du matériau, l’absence de fioritures, et une volonté farouche de ne rien cacher : ni les vis, ni les joints, ni les ambitions.
Les bâtiments brutalistes sont souvent massifs, anguleux, austères, imposants. Ils affichent une structure claire, sans travestissement. Leurs formes géométriques, sont à la fois simples et puissantes.
On pense aux universités britanniques, aux préfectures françaises des années 60… et, bien entendu, aux ensembles soviétiques sortis d’un rêve de géomètre insomniaque.
Le Brutalisme cherche à imposer une présence, souvent écrasante, voire dérangeante. C’est une esthétique du bloc, des arêtes franches, du rythme répétitif. Certaines façades évoquent des forteresses, des carcasses de vaisseaux échoués ou des temples oubliés de civilisations industrielles.
Mais il serait naïf de croire que le Brutalisme est le même sous toutes les latitudes. Ce qui, à Londres ou Marseille, est un choix esthétique ou socialement progressiste, devient en URSS un outil idéologique au service d’une utopie planifiée. Et c’est là que commence notre voyage dans ce pays passé expert dans la maitrise du Béton.
Le Brutalisme en URSS : une architecture pour le peuple… et les ministères
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS s’était couverte de bâtiments staliniens : lourds, néo-classiques, souvent ornés à la limite du kitsch impérial. Colonnes, chapiteaux, balustrades et dorures se déversaient dans l’espace public comme pour imposer une grandeur éternelle à une société en pleine mutation. Ce style, surnommé « réalisme socialiste en architecture », avait quelque chose de grandiloquant.
Mais en 1955, Nikita Khrouchtchev tourne brutalement la page. Dans son célèbre discours “contre les excès dans l’architecture”, il fustige les dépenses déraisonnables liées à la décoration, les excès d’ornementation, les lourdeurs néo-baroques. L’heure est à l’économie, à la sobriété, à la fonctionnalité. On ne bâtit plus pour glorifier, mais pour loger, instruire, produire. Le béton devient alors roi, et le Brutalisme sera son visage.
L’objectif est double : construire vite, beaucoup, et de manière standardisée l’URSS a ainsi bétonné ses rêves dans le quotidien. Alors naissent les célèbres khroutchevki (1955-1968), puis les brejnevki (1968-1985), des immeubles collectifs à cinq étages sans ascenseur, bâtis à la chaîne dans toutes les villes de l’Union, qui logent, encore aujourd’hui, des dizaines de millions de Russes. Peu esthétiques mais conçus pour durer, ils constituent une archéologie silencieuse du Brutalisme domestique.
Et ca prend du temps pour détruire ces vestiges du passé !

Khroutchevki dans leur fraicheur !
Chaque appartement possède un petit balcon, une cuisine étroite, et le même plan que celui de ses voisins. Pieces de 2,2 mètres sous plafond, insonorisation déficiente.
Mais en parallèle, on assiste à la naissance d’un Brutalisme plus ambitieux, destiné aux bâtiments administratifs, scientifiques, universitaires, culturels. Là, l’expérimentation formelle s’envole : volumes démesurés, murs inclinés, prouesses techniques.
Le Brutalisme soviétique est profondément politique. Il reflète une vision de l’ordre collectif, du progrès technique, mais aussi du contrôle. Et surtout, il affirme une identité propre : ni occidentale, ni classique, ni folklorique. Du béton pour le futur.
Là où l’Occident voit dans le Brutalisme une forme de protestation ou de radicalité, l’URSS en fait un bras armé de son idéologie collectiviste. Et si cela manque de chaleur, tant pis : la grandeur prime sur le confort.
Moscou, vitrine du Brutalisme soviétique
Moscou, cœur battant de l’Empire rouge, ne pouvait échapper à la tentation du Brutalisme. La capitale devient une vitrine architecturale où chaque bâtiment doit raconter une histoire : celle de la puissance, de la modernité, de la maîtrise scientifique. Le béton y pousse comme un lichen gris sur les larges avenues du socialisme.
Commençons par l’un des plus emblématiques : le Palais des Congrès du Kremlin, construit en 1961.

Contraste flagrand

Palais des Congrès du Kremlin
Situé au cœur même du Kremlin, ce cube de verre et de béton tranche avec les bulbes dorés environnants. Il symbolise la volonté d’embrasser la modernité sans renier l’histoire. L’intérieur est somptueux, presque baroque, tandis que l’extérieur reste strict, discipliné, typiquement soviétique.
A quelques kilomètres de là, le Centre Panrusse des Expositions (VDNKh) offre un panorama fascinant du Brutalisme version soviétique. On y trouve des pavillons à l’architecture massive, chacun dédié à une république ou à un secteur de l’économie : cosmonautique, énergie, agriculture. Une sorte de parc d’attractions pour planificateurs centraux, où chaque bâtiment est un manifeste.

L’entrée du Parc VDNKh
Autre icône Brutaliste : l’Institut des télécommunications sur la rue Shabolovka, avec ses formes abruptes, sa façade crantée, ses volumes superposés, et sa fonctionnalité rigoureuse. Il n’est pas rare d’y voir des photographes étrangers venus capturer ce rêve soviétique figé.

Un élan vers le futur !
Et comment ne pas mentionner l’Hôtel Rossiya, autrefois l’un des plus grands hôtels du monde, construit entre 1964 et 1967, et détruit en 2006. Un Colosse de béton de plus de 3000 chambres, qui symbolisait la capacité soviétique à faire grand, massif, et impersonnel. Le monstre a disparu, mais les souvenirs demeurent, nourris d’histoires d'espions, de réceptions interminables, et d’ascenseurs capricieux.
J’y ai séjourné quelque fois, dans mes premiers temps à Moscou. Pas impérissable comme souvenir.

Feu le mastodonte Rossiya
A sa place, aujourd’hui, on trouve un peu de verdure du Parc Zariadié (ЗАРЯДЬЕ) avec salle de concert et restaurants et son point de vue suspendu au-dessus de la Moskova.
À travers Moscou, le Brutalisme raconte un pays en tension entre efficacité et gigantisme, entre rêve social et contrôle total. C’est une ville qui a voulu se réinventer à travers le béton, et qui aujourd’hui regarde ces formes grises avec un mélange de nostalgie et d’effarement.
Mais le vrai Brutaliste moscovite se reconnaît au coin d’une avenue, dans un bâtiment sans nom. Un théâtre aux lignes pures, un centre scientifique aux balcons bétonnés comme des mâchoires, ou encore un bâtiment administratif à l’allure de bunker futuriste. Certains de ces édifices sont aujourd’hui fermés, d’autres tombent en ruine, mais tous continuent d’imposer leur présence.
Mention spéciale au cinéma Oktyabr, véritable vaisseau spatial de béton échoué sur la place Pouchkine.

Cinema Oktyabr ... en Novembre
Ou encore à l’Hôtel Salut, cylindre de béton et de verre construit pour les Jeux olympiques de 1980, qui ressemble autant à une capsule spatiale qu’à une œuvre de science-fiction brutaliste.

Salut, oui mais pour ce qui est de la fantaisie, tu repasseras
Dans cette ville où les styles se superposent sans pudeur ni complexe, le Brutalisme impose sa rudesse particulière. Il n’est pas là pour séduire, mais pour tenir, résister au temps, au regard, aux modes.
L'architecte soviétique Evgueni Stamo et l'ingénieur Alexandre Markelov ont réalisé une expérience avec des panneaux standards. Après les avoir assemblés avec un angle de 6 degrés, ils ont conçu des bâtiments circulaires de 155 mètres de diamètre.
La capitale compte deux immeubles circulaires : au 6, rue Dovjenko et au 13, rue Nejinskaïa. Chacun d'eux compte 26 entrées et plus de 900 appartements. Leur cours intérieure, de la taille d'un stade, ressemble à un parc urbain, dissimulé derrière une structure circulaire de neuf étages.

Immeuble résidentiel circulaire, rue Nejinskaïa.
Photo : Service de presse du Complexe de développement urbain et de construction de Moscou.

Immeuble résidentiel circulaire sur la rue Dovzhenko
Photo : service de presse du complexe de développement urbain et de construction de Moscou.
Des bâtiments sur pattes :
Le navire sur la rue Tulskaya
Le bâtiment des scientifiques nucléaires, rue Bolchaïa Tulskaïa, mesure 400 mètres de long. Il porte de nombreux surnoms, les plus populaires étant « bateau » et « Titanic ». Dans les années 1980, il n'y avait aucun autre bâtiment autour et il ressemblait à un paquebot naviguant sur l'océan.
La principale caractéristique de cet immeuble à neuf entrées réside dans sa longueur surprenante. Il abrite un millier d'appartements. Des passages traversant le rez-de-chaussée, ornés de colonnes, bordent le bâtiment et séparent les entrées, permettant aux résidents de se rendre de l'autre côté du bâtiment sans avoir à le contourner sur près d'un demi-kilomètre.

Le Paquebot fend les flots de voitures
Photo : mos.ru. Maxim Denisov

Le Paquebot vu de la Poupe
Photo : mos.ru. Maxim Denisov
Ce n'est pas là le seul immeuble résidentiel sur pilotis de Moscou.
Le Narkomfin (1932) (commissariat du peuple aux finances), a été le premier bâtiment construit selon les cinq principes de Le Corbusier, par Moisei Ginzburg et Ignace Milinis. Le bâtiment est devenu un prototype d’immeubles modernes et l’évolution à travers l’Europe.
Voir en fin d’article la definition des « cinq points de l’architecture moderne ».

Le Narkomfin dans sa splendeur passée

Aujourd’hui, en décrépitude avancée
Au milieu des années 1960, les architectes ont commencé à expérimenter la construction d'immeubles de neuf étages surélevés. Entre les années 1960 et 2011, six immeubles de plusieurs étages sur piliers en béton armé ont fait leur apparition dans la ville.
Sous les latitudes septentrionales, cette méthode de construction est utilisée pour protéger les bâtiments du pergélisol (Voir Article : « Permafrost mon chéri») ou des inondations, mais dans la capitale, sa fonction était plus artistique. Les Moscovites les surnommaient « immeubles sur pilotis » ou « mille-pattes ».
Les plus célèbres se trouvent au 184, Prospekt Mira, bloc 2, et au 34, rue Begovaya.
L'immeuble de 25 étages, situé sur la perspective Mira, a été construit dans le style brutaliste selon les plans de l'architecte Viktor Andreyev et de l'ingénieur Trifon Zaikin. Trente piliers élèvent le rez-de-chaussée au troisième étage, offrant une vue imprenable sur VDNKh et ses environs, même depuis les étages inférieurs.
La disposition alternée des balcons constitue un autre élément de design intéressant : vus d'en bas, ils semblent s'élever vers le ciel, telles les marches d'un escalier géant. De plus, leurs formes particulières renforcent cet effet d'optique.

Une partie du mille-pattes

La Disposition alternée des balcons
Photos : mos.ru. Evgeny Samarin
Maison des Aviateurs à Moscou
Contrairement à son homologue de la Perspective Mira, le Bâtiment des Aviateurs de la rue Begovaïa ressemble à un mille-pattes : il repose sur 40 piliers. Il devait servir d'hôtel pour les Jeux olympiques d'été de 1980, mais il a finalement été utilisé pour les employés de l'usine aéronautique Znamya Truda (Bannière du Travail).
Il semble recouvert d'écailles, ce qui renforce son image d'insecte. À la base, ses pieds sont si étroits que deux personnes peuvent les enlacer. Cela donne une impression d'instabilité et de fragilité au bâtiment

Maison des Aviateurs à Moscou
Anastasia Dieva/TASS ; Agence Moskva
Bâtir la nation : un ailleurs en Russie
Si Moscou joue le rôle de capitale muséale du Brutalisme, il faut quitter le périphérique pour sentir à quel point ce style a façonné tout le territoire de l’Union. Car le brutalisme soviétique est d’abord une affaire d’expansion : on ne construit pas seulement pour Moscou, mais pour l’URSS tout entière — des steppes du Kazakhstan aux ports de l’Arctique.
Dans les grandes villes de province comme Novossibirsk, Ekaterinbourg ou Kazan, le Brutalisme s’incarne dans des universités techniques, des maisons de la culture, des bibliothèques d’État. Ce sont souvent de véritables sculptures géométriques, hérissées d’escaliers extérieurs, de blocs encastrés et de passerelles suspendues.
À Novossibirsk, par exemple, le Palais de la Culture des Cheminots semble un bunker ornemental posé sur pilotis, évoquant une station lunaire.

Palais de la Culture des Cheminots
Il détonne par :
Un Bas-relief circulaire qui court en haut du bâtiment
De Petits piliers verticaux au sommet évoquant des cheminées ou des antennes, en accentuant la monumentalité
Son Effet de masse très typique du Brutalisme destiné aux lieux de rassemblement.
Ce bâtiment incarne une esthétique très soviétique, à la fois fonctionnelle et symbolique : un temple laïc dédié à la culture ouvrière.
Les bâtiments scientifiques, souvent conçus pour les grandes percées nucléaires ou spatiales, offrent une vision fascinante du Brutalisme “techno-futuriste”.
L’Institut de Recherche Nucléaire de Doubna
Au nord de Moscou, à Doubna, l’Institut unifié de recherche nucléaire (JINR) incarne une autre facette du Brutalisme soviétique : celle de la rigueur scientifique. Plusieurs de ses bâtiments, édifiés entre les années 1960 et 1980, adoptent une esthétique sévère et fonctionnelle, faite de volumes géométriques simples, de béton brut et d’ouvertures rationalisées. Ici, pas d’ornementation superflue : l’architecture est au service de la science et du progrès collectif.

L’Institut de Recherche Nucléaire de Doubna
Si certains pavillons plus anciens, comme les bureaux d'administration, relèvent encore du style néoclassique tardif (avec leurs colonnes et leurs façades colorées), le cœur scientifique du campus se déploie dans une série de constructions qui évoquent le langage brutaliste : lignes droites, matériaux bruts, structures visibles. Ce contraste reflète l’évolution idéologique et esthétique de l’URSS : d’une solennité impériale vers un fonctionnalisme moderniste.
Bibliotheque a Rostov

Bibliothèque publique à Rostov-sur-le-Don
Alexandre Pogotov / Sputnik
L'Institut de recherche en robotique et cybernétique (СПбНИИРиК) situé à Saint-Pétersbourg.

La cathédrale de la cybernétique
Il est souvent surnommé le « gratte-ciel cybernétique » ou encore « la cathédrale de la cybernétique » en raison de sa silhouette très singulière, rappelant des flèches gothiques.
Parmi les exemples les plus singuliers du Brutalisme soviétique tardif, l’Institut de recherche en robotique et cybernétique de Saint-Pétersbourg (СПбНИИРиК) se détache par son esthétique quasi futuriste.
Érigé dans les années 1970–1980, ce bâtiment monumental évoque une cathédrale technologique : ses flèches de béton blanc s’élèvent comme des pointes de circuits dressés vers le ciel. Il incarne cette vision soviétique d’un avenir gouverné par la science, le contrôle et l’intelligence artificielle naissante. Entre brutalité formelle et élévation utopique, ce bâtiment résume à lui seul les paradoxes d’une époque tiraillée entre idéologie et progrès.
Théâtre d’opéra et de ballet de Tchouvachie

Théâtre de Tchouvachie
Legion Media
Cinema a Minsk

Le Cinéma Oktyabr, à Minsk (Bielorussie)
Critiques et regards croisés : laideur ou génie ?
Le Brutalisme ne laisse personne indifférent. Il dérange, fascine, révulse ou intrigue. En Occident comme en Russie, ses détracteurs lui reprochent sa froideur, sa monotonie, voire sa violence visuelle. On l’accuse d’écraser l’individu, de transformer la ville en paysage carcéral, de véhiculer une forme d’inhumanité bureaucratique.

Tombeau de Lénine sur la Place Rouge
Et pourtant, de plus en plus d’architectes, d’artistes, de photographes lui trouvent une poésie rugueuse.
Ils y voient une honnêteté matérielle, une présence brute, un langage sans détour. Le Brutalisme ne triche pas. Il ne prétend pas être un jardin d’hiver ni une villa méditerranéenne. Il est ce qu’il est : du béton armé, façonné pour résister aux siècles.
Certains bâtiments, initialement honnis, finissent par gagner les cœurs. Ainsi le Palais des Soviets abandonné, (Voir Article : « L’histoire mouvementée de la Cathédrale de Moscou ») remplacé par une piscine puis une cathédrale, est aujourd’hui regretté par certains intellectuels.
On commence à considérer ces édifices comme des témoins du XXe siècle, au même titre que les églises baroques ou les forteresses médiévales.
Les témoignages d’habitants sont souvent ambivalents : certains vivent dans ces blocs gris comme dans des prisons à ciel ouvert ; d’autres y retrouvent une forme de protection, de mémoire collective, un cadre à leur enfance soviétique.
Le Brutalisme post-soviétique : abandon ou réhabilitation ?
Après la chute de l’URSS en 1991, le Brutalisme a connu une traversée du désert. Jugés vétustes, soviétiques, dépassés, de nombreux bâtiments ont été laissés à l’abandon ou démolis au profit d’immeubles postmodernes en verre fumé.
Mais dans les années 2010, un mouvement de redécouverte émerge. Des collectifs d’architectes, de photographes, de curateurs commencent à recenser, documenter, publier ces édifices sur les réseaux sociaux. Le compte Instagram @sovietmodernism ou les ouvrages de Alexey Naroditski font redécouvrir ces monstres de béton à une jeune génération fascinée.
Dans certaines villes, des projets de réhabilitation voient le jour : anciens palais de la culture transformés en galeries d’art, hôtels soviétiques reconvertis en centres de business, bâtiments universitaires classés au patrimoine local. Le Brutalisme renaît, non pas comme modèle, mais comme trace, comme souvenir architecturé.
On parle même de néo-Brutalisme, dans certaines constructions récentes qui s’inspirent des formes du passé : façades massives, volumes épurés, béton apparent. Comme si l’avenir ne pouvait faire l’impasse sur les colosses du passé.

Palais des Pionniers de Moscou,
Le Brutalisme comme patrimoine en Russie aujourd’hui
Aujourd’hui, le Brutalisme russe reste en équilibre instable entre patrimoine et oubli. Certains bâtiments sont protégés par les institutions locales, d’autres menacés par des projets immobiliers. Les autorités hésitent : comment commémorer un style architectural lié à un régime autoritaire sans cautionner ce qu’il représentait ?
Mais la société civile, elle, bouge. Des balades urbaines sont organisées dans les quartiers Brutalistes de Moscou ou de Saint-Pétersbourg. Des expositions célèbrent les photographies de bâtiments autrefois décriés. Le Brutalisme devient même un produit touristique, un motif de t-shirt, une icône vintage.
Le béton, longtemps banni, revient sur le devant de la scène, non plus comme solution technique, mais comme objet de fascination esthétique. Comme si la Russie redécouvrait, lentement, que ces murs gris abritaient aussi des rêves.

Palais des Soviets de Kaliningrad,
aussi surnommé “la Tête de robot”

Centre d’affaires à Tver
Gueorgui Dolgopski

Banque de Georgie, Tbilisi.
Architectes : George Chakhava and Zurab Jalaghania, construit en 1975.

Académie des Sciences de Russie a Moscou
Architecte : Yuri Platonov, construit en 1973-90,
photo : Yuri Palmin. Source: Afisha Daily

Complexe residentiel Aul, a Almaty

Ambassade de Russie a la Havane, Cuba.
Architectes :Alexander Rochegov and Maria Engelke, construite en 1978-87.

The State Museum of History of Uzbekistan, Tashkent.
Source: Engineer History.
Conclusion – Le béton a-t-il une âme ?
Le brutalisme, qu’on le veuille ou non, a marqué la Russie au fer… à béton. Il a habillé ses villes, encadré ses vies, logé ses utopies. Il a été tour à tour promesse de progrès, outil d’encadrement, objet de rejet, puis icône underground.
Aujourd’hui, ses volumes sévères continuent de veiller, impassibles. Ils rappellent que chaque époque cherche à bâtir son avenir avec les moyens du présent.
Dans les angles bruts de ces bâtiments, il y a la trace d’un monde qui voulait croire à la force, à la science, à l’organisation totale.
Et peut-être, au fond, le brutalisme ne dit-il qu’une chose : qu’il est parfois plus honnête de bâtir avec la gravité qu’avec une légèreté feinte.
Que le béton, aussi froid soit-il, peut lui aussi porter la mémoire.
Et qu’il n’est pas interdit d’aimer la rugosité, dans un monde trop souvent poli à l’excès.
Principales innovations techniques de :
Le Corbusier
Les « Cinq points de l’architecture moderne »
Les pilotis : Colonnes qui élèvent le bâtiment, libérant le rez-de-chaussée pour la circulation et les espaces verts.
Le plan libre : Grâce à une structure porteuse indépendante (ossature poteaux-dalles en béton armé), les murs intérieurs ne sont plus porteurs, permettant une grande flexibilité dans l’agencement des espaces.
La façade libre : La structure indépendante libère la façade des contraintes portantes, ce qui autorise une grande liberté de composition et d’ouverture.
La fenêtre en bandeau : De longues fenêtres horizontales qui maximisent la lumière naturelle et offrent de larges vues sur l’extérieur.
Le toit-terrasse : Remplacement des toits en pente traditionnels par des toits plats aménagés en espaces de vie ou de détente, parfois végétalisés.
Usage novateur du béton armé
Le Corbusier a été l’un des premiers à exploiter pleinement les possibilités du béton armé, ce qui lui a permis de remplacer les murs porteurs extérieurs par des piliers intérieurs, d’accélérer la construction et de libérer la conception architecturale.
Standardisation et préfabrication
Il a introduit des méthodes de construction industrialisées, permettant de réduire les délais et les coûts, comme dans la cité Frugès à Pessac où les immeubles étaient construits à un rythme soutenu grâce à la préfabrication.
L’Unité d’habitation
Ce concept d’immeuble-village intègre logements, commerces et services dans un même bâtiment, avec des « rues intérieures » et des équipements collectifs, préfigurant la mixité fonctionnelle moderne.
Le Modulor
Système de proportions basé sur la morphologie humaine, destiné à harmoniser les dimensions des espaces et des objets architecturaux, utilisé pour concevoir des bâtiments à l’échelle de l’homme moderne.
Innovations en urbanisme et techniques environnementales
Le Corbusier a également expérimenté des solutions pour la ventilation naturelle, la récupération des eaux pluviales, l’ensoleillement et la climatisation passive, comme dans le complexe du Capitole à Chandigarh (brise-soleil, toits à double peau, miroirs d’eau).
En résumé, Le Corbusier a révolutionné l’architecture par ses innovations structurelles (ossature poteaux-dalles, béton armé), typologiques (Unité d’habitation, villas modernes), conceptuelles (les cinq points, le Modulor) et environnementales, faisant de lui un pionnier incontournable du mouvement architectural moderne.



Article très intéressant. Je vous conseille le film « The Brutalist »!