L’envie de jouer avec le feu, avec un peu de raison et retenue, peut bien nous prendre de temps à autre.
On reste heureusement suffisamment enfant pour croire que l’incendie ne détruira pas toute la maison. Optimisme béat, ou aveuglement ?
En 1994, tout en étant conscient des risques, j’ai accepté de miser dans un système de Ponzi, pariant que je saurais en sortir à temps.
La Pyramide de Ponzi : quezaco ?
Le nerf de la pyramide, est d’appâter le chaland par une espérance de gains suffisamment importants, afin de justifier la prise de risque. Donc on ne fait pas dans la dentelle, on promet le paiement par exemple d’un intérêt imbattable de 100% tous les 3 mois ! L’argument de placements exceptionnels réalisés par la société organisatrice de cette collecte, peut tenir un certain temps auprès des petits investisseurs.
Dans ce système pyramidal, chaque étape nécessite de trouver deux fois plus de personnes que lors de l'étape précédente. À plus ou moins long terme, lorsque le nombre d’amateurs potentiels se raréfie et qu’il devient impossible de dénicher de nouveaux pigeons ou lorsque les créanciers en majorité commencent à avoir peur et qu'ils finissent par se retirer hâtivement du projet, il devient alors impossible de rembourser les derniers acheteurs arrivés.
Carlo Ponzi :
Carlo Ponzi, un nom gravé dans le marbre des arnaques financières, est né en 1882 dans la ville italienne de Lugo, située en Émilie-Romagne.
Dans les années 1920, aux US, il met en place son arnaque après quelques péripéties et un grand renfort de publicité.
Le dispositif consiste non seulement à attirer de nouveaux investisseurs, mais aussi et surtout à retenir les anciens, qui ont eu, et apprécié, une expérience positive et ont pour la plupart déjà touché des intérêts sur les sommes engagées. Toutes les conditions sont réunies pour qu'ils réinvestissent leur capital.
Supposons qu'au départ, Ponzi ait réussi à convaincre 50 personnes d'investir 100 dollars, soit un total de 5.000 dollars. Au bout de trois mois, puisqu'elles souhaitent récupérer le double de ce qu'elles ont versé, il doit disposer de 10.000 dollars à leur restituer. Pour cela, il lui faut trouver 100 nouveaux investisseurs à 100 dollars.
Six mois après le lancement des opérations, Ponzi doit rembourser ces 100 nouveaux investisseurs, ce qui nécessite 20.000 dollars... qu'il récupère grâce à 200 nouveaux investisseurs.
Ces nouveaux investisseurs sont convaincus, car Ponzi paye rubis sur l’ongle les intérêts et capital a ceux qui veulent sortir. La confiance graduellement s’installe, la machine se met en place.
Au bout de neuf mois, il a donc besoin de 40.000 dollars, donc de 400 nouveaux investisseurs, et à la fin de la première année, il lui faut 80.000 dollars, soit 800 nouveaux investisseurs.
Non seulement chaque trimestre lui impose de trouver deux fois plus de nouveaux investisseurs que lors du précédent, mais en plus, il lui faut les trouver dans un vivier de plus en plus réduit.
En un an, il a déjà fait appel à 1.550 investisseurs différents (ajoutez 50, 100, 200, 400 et 800), et ce n'est que le début.
L’argent récolté sert d’abord à maintenir le niveau publicité sur la fiabilité et le sérieux du système.
En poursuivant le calcul, Charles Ponzi aurait 1,28 million de dollars à rembourser à la fin de la deuxième année et aurait atteint un total de 25.550 investisseurs.
Au bout de trois ans, la somme est de 20,48 millions de dollars, et 409.550 investisseurs ont été utilisés.
Les chiffres obtenus au bout de six ans sont absolument terrifiants : on en arrive à 83,9 milliards de dollars à rembourser, pour près de 1,7 milliard d'investisseurs (dont la moitié dénichée au cours du dernier trimestre écoulé).
C'est ce qu'on appelle une croissance exponentielle : de plus en plus rapide, elle finit très vite par devenir incontrôlable.
Les pyramides sont basées sur leur capacité d’attraction continue d’investisseurs nouveaux, jusqu'à ce que le flux se tarisse. Il est facilement concevable que l'interruption de l’affluence de clients engendre l’effondrement du système. Les intérêts n’étant plus payés, les clients demandent le retrait de leur argent, qui bien sûr, n’existe plus.
Mavrodi :
Sur le schéma de Ponzi, et dans ces temps extrêmement délirants des années suivant l’ouverture du pays, divers types de fraude sont « expérimentés » pour escroquer les petits et les gros. Les choses se terminant parfois par un bain définitif dans la Moscova, comme j'ai pu le contempler à deux reprises.
En 1989, Sergey Mavrodi a fondé la structure commerciale MMM, qui est devenue rapidement une énorme pyramide financière, et qui selon diverses estimations, a affecté de 10 à 15 millions de personnes en Russie.
Le 1er février 1994, les actions ont été mises en vente. En seulement six mois, des résultats sans précédent ont été obtenus : 13 millions de déposants, accumulation d'un tiers du budget du pays, augmentation de 127 fois du cours boursier de l’action émise.
Yuri Abramochkin / Spoutnik
Mavrodi a mis en circulation des « billets MMM », mais a la place du portrait de Lénine, c’était celui de Mavrodi. Pas mégalo du tout !
Ce n'était, en fait, que du papier, dont la valeur était tenue par une promesse de Mavrodi selon laquelle cela valait quelque chose.
On peut dire que tout cela était une grande illusion. Certes mais nos monnaies officielles ont-elles intrinsèquement plus de valeur ?
En revanche, des pièces d’or ou d’argent……à vous de juger.
Le 4 août 1994, Mavrodi est arrêté pour avoir dissimulé aux impôts des sommes dues sur une autre de ses sociétés.
Pendant sa détention, Mavrodi organise la collecte de signatures nécessaires pour l'enregistrement de sa candidature au poste de député à la Douma.
Mavrodi est élu au parlement russe et remis en liberté.
Le 2 septembre 1997, MMM est déclarée en faillite.
En 2011, 2012, 2014, Mavrodi organise en Russie, et dans plusieurs pays de l’ex-URSS (la CEI), mais aussi en Indonésie, Malaisie, Bangladesh, Philippines, Japon, Thaïlande, en Inde et en Chine, dans de nombreux pays africains, de nouvelles pyramides financières.
Il s’est même implanté aux États-Unis, en Israël, en Italie et en France. Il opère partout où les systèmes de Ponzi et les pyramides ne sont pas explicitement interdits par la loi.
Dans 107 pays du monde, «Mavrodi a charmé les investisseurs». Pourtant il ne cache jamais le fait que ses projets sont des pyramides !
En décembre 2017, Sergey Mavrodi annonce même le redémarrage de sa propre crypto-monnaie : le "Mavro".
Retour à Moscou, en 1994
"Reconstruction" du pays, liberté retrouvée, Ambiance euphorique, c’est l'ouverture totale, ça part dans tous les sens, ça lance des opportunités de business de partout, les gens sont prêts à croire en tout, et que des marges de 100% et 200% sur une affaire sont plus que courantes, normales et c’est aussi ce qui se voit en pratique.
Alors une promesse de gain de 1% par jour, sur une somme prêtée, ne parait pas insensée dans cet environnement.
Les premiers règlements effectués par la société MMM, assoient dans une certaine mesure la réputation et la crédibilité de l’organisation. Personne ne se voit refuser catégoriquement le retrait, et les intérêts sont réglés à qui les veut récupérer.
Cependant les investisseurs ne sont pas idiots, et comprennent bien que le rêve ne peut pas durer, mais le jeu, suspense et la cupidité tout contribue : Ils veulent devenir riches rapidement.
D’autant que les informations sur le schéma de Ponzi sont très vagues, et que les investisseurs ne creusent guère la question : où sont placées les sommes récoltées, dans quelles entreprises ou quels organes financiers ?
La promesse d'énormes rendements les rend sourds et aveugles.
Pour jouer on joue
J’injecte dans la nouvelle roulette russe une somme de 2000 USD, placés à un mois renouvelable. C’est du 1% par jour et en fin de mois l’intérêt acquis vient s’ajouter à la somme affectée au départ.
Une somme supplémentaire de 5 000 dollars, est prêtée à une amie, soit disant solvable, pour elle aussi, jouer à cette loterie. Elle ne remboursera en fin de compte qu’une partie, nous proposant son suicide en échange !
Après 4 mois d’accumulation théorique d’un joli pactole, je décide de demander le remboursement complet. Les difficultés commencent.
Les retraits se font dans une autre agence. Oh ! Le document produit n’ est pas signé par le chef de l’ autre succursale, Ah ! Les sommes ne sont pas disponibles aujourd’hui mais le seront demain sans faute, Eh !
La queue des prétendants s’allonge, le temps perdu considérable, mais grâce à la pugnacité de ma compagne, nous récupérerons le capital et une petite partie des intérêts.
Un mois après la boutique ferme et les protestataires resterons sur le carreau devant les guichets, encore plusieurs semaines. Peine perdue.
Rien de vital en jeu, mais on a eu chaud quand même, mais sans brulure !
Autres cas plus récents : Madoff
Bernie Madoff dirigeait le système de Ponzi qui a perduré le plus dans l’histoire. Cette fausse entreprise a été créée en 1960 et a poursuivi ses activités pendant près de 40 ans.
Pendant les 20 dernières années, les investisseurs ont versé 17,5 milliards de dollars dans sa « société d'investissement ».
Il a payé des rendements supérieurs à la moyenne, de l’ordre de 10% annuel (rien d’extravagant), en utilisant des fonds de nouveaux investisseurs.
La crise financière de 2008 a mis en lumière la fraude lorsque les parieurs ont tenté de retirer 7 milliards de dollars.
Avec une valeur nette de seulement 300 millions de dollars, Madoff n'était pas en mesure de les rembourser, loin s’en faut.
Il a plaidé coupable et purgeait une peine de 150 ans de prison. Il est décédé le 14 avril 2021.
Avant son arrestation, Madoff jouissait d'une excellente réputation, il a co-créé le NASDAQ parmi ses réalisations.
Le passif de son entreprise avoisine les 50 milliards de dollars.
La taille de la fraude était de près de 64,8 milliards de dollars.
Tous Bernés par Bernie !
Cas à Venir ?
Si de telles manipulations peuvent paraître inquiétantes, dites-vous qu’avec nos merveilleuses banques officielles, une même crise peut parfaitement arriver. Si tous les clients des banques décident de retirer leurs fonds, aucune de celles-ci ne serait en mesure de satisfaire tout le monde.
Il est important de diversifier les placements afin de ne pas dépendre d’un seul système. Même si ce dernier est légal, il peut tout à fait s’effondrer et faire faillite.
On peut bien sur condamner toutes les institutions privées ou non, qui se sont bêtement jetées dans le piège. Mais il est important de bien comprendre le principe du couple rendement-risque, et de ne pas se voiler la face lorsque l'on vous propose un rendement miracle en pensant avoir décroché le jackpot (bien souvent, le risque sera sous-estimé, en partie via la mauvaise prise en compte des probabilités extrêmes...).
Les Banques Libanaises sont un exemple d’actualité, et nombreuses se trouvent en faillite après avoir promis des intérêts en devises a plus de 10% annuels.
Arnaques modernes : Les nouveaux visages du système de Ponzi
Les escroqueries financières n’ont pas disparu avec Carlo Ponzi ou même Madoff. Elles ont simplement évolué avec le temps et la technologie. Aujourd’hui, elles prennent souvent la forme de cryptomonnaies ou de NFT frauduleux. Le point commun entre toutes ces arnaques modernes et les pyramides de Ponzi traditionnelles ? Elles exploitent toujours la même faiblesse humaine : le désir de profits rapides et faciles.
a. Les arnaques en cryptomonnaies :
Avec la montée fulgurante de Bitcoin, Ethereum et autres crypto-actifs, un nouveau terrain de jeu s’est ouvert pour les escrocs. Des promesses de rendements extravagants, basées sur des projets souvent inexistants ou extrêmement risqués, sont faites pour attirer les investisseurs novices. Des projets tels que Bitconnect, une cryptomonnaie qui garantissait des rendements de 1% par jour (tiens, tiens, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?), ont dérobé des millions avant de s’effondrer en 2018, laissant des milliers d’investisseurs sur la paille.
b. Les NFT frauduleux :
Les NFT (tokens non-fongibles) ont également été un terrain fertile pour les arnaques. En 2021, des projets NFT promettant des rendements énormes ont attiré des investisseurs à la pelle.
Le projet Evolved Apes, par exemple, a levé des millions de dollars en promettant des bénéfices grâce à un jeu NFT. Finalement, le créateur est parti avec tout l’argent, laissant les investisseurs mains vides. Les escroqueries modernes ont adopté les codes de la technologie, mais elles continuent d’exploiter l’avidité et la crédulité.
Comment repérer une arnaque avant qu'il ne soit trop tard ?
Les arnaques de type Ponzi partagent souvent des traits distincts, des indices que l'on peut repérer si l’on est attentif. Voici quelques signaux d’alarme qui devraient toujours éveiller les soupçons :
a. Des promesses de rendements irréalistes :
Si quelqu’un vous promet un retour sur investissement astronomique sans risque (par exemple, 1% par jour ou 100% en trois mois), il y a de fortes chances que ce soit une arnaque. Aucun investissement légitime ne peut garantir de tels rendements de manière fiable et régulière.
b. Manque de transparence :
Les systèmes de Ponzi reposent souvent sur une certaine opacité. Si l'on vous explique que les investissements sont gérés "par des experts" ou que l'on vous refuse des informations claires sur l'endroit où va votre argent, c'est un mauvais signe. Demandez des preuves solides et des explications concrètes sur le fonctionnement du système avant de vous engager.
c. Pression pour recruter de nouveaux investisseurs :
Si vous êtes encouragé à recruter vos amis ou votre famille pour bénéficier de meilleures "récompenses", cela ressemble fortement à un système pyramidal. Le recrutement est souvent la clé de la survie de ces arnaques.
d. Difficultés à retirer ses fonds :
Un autre signal d’alarme est l’impossibilité de récupérer votre argent rapidement et sans justification. Les excuses telles que "les fonds ne sont pas disponibles aujourd'hui" ou "les retraits sont limités pour le moment" sont souvent un indicateur que le système est en difficulté et ne pourra bientôt plus vous rembourser.
Vladimir Fedorenko / Spoutnik
Pourquoi tombons-nous toujours dans le panneau ?
Si les systèmes de Ponzi continuent de piéger des investisseurs, c’est que, malgré leur simplicité et leur répétitivité, ils exploitent des failles profondes dans la nature humaine. Les escrocs savent comment manipuler des émotions universelles comme la cupidité, la peur et l’espoir.
a. L’appât du gain rapide et sans effort :
La promesse d'un gain rapide est l'une des plus grandes tentations. Même des personnes intelligentes et expérimentées peuvent être séduites par la perspective de doubler leur argent en peu de temps. Le biais de confirmation nous pousse souvent à ignorer les signaux d’alerte si l’on croit que l’on a trouvé une opportunité unique.
b. La peur de manquer quelque chose (FOMO) :
L’un des facteurs clés dans le succès des systèmes de Ponzi est la peur de manquer une opportunité (ou Fear Of Missing Out en anglais). Voir d'autres personnes apparemment prospérer dans un système financier opaque peut inciter les individus à se lancer eux aussi, souvent sans une analyse approfondie. L'idée que "si d'autres ont réussi, pourquoi pas moi ?" est un puissant levier psychologique.
c. La confiance dans l’autorité :
Ponzi, Mavrodi, Madoff... Tous avaient en commun d’être charismatiques et de projeter une image d'autorité. Ils inspiraient confiance et utilisaient leur crédibilité pour attirer des investisseurs, leur faisant croire que "si quelqu’un d’aussi respectable s’y engage, c'est sûrement sûr". La pression sociale joue également un rôle : si des amis ou des collègues investissent, cela rassure inconsciemment.
d. La réticence à admettre une erreur :
Quand les premières alertes surviennent, les investisseurs ne veulent souvent pas croire qu’ils se sont fait avoir. L’effet de l’escalade de l’engagement les pousse à rester dans le système, à réinvestir ou à recruter d'autres personnes pour se convaincre que leur premier jugement était le bon.
e. L’envie infantile de jouer
Dans mon cas, ce fut d’abord le désir de voir jusqu’où irait ma perception du danger et l’appréciation du moment opportun pour sortir de la nasse. Petit piment du risque anxiété stress gratuit. L’appât du gain n’était que largement secondaire.
Moralité : L'Esprit Humain, Meilleur Ami des Escrocs
En résumé, les arnaques de type Ponzi ne fonctionnent pas grâce à la magie des chiffres ou des stratégies financières révolutionnaires. Elles marchent parce qu’elles exploitent nos failles psychologiques : la tentation du gain facile, la peur de manquer une opportunité, la confiance aveugle dans l'autorité, et notre refus d’admettre nos erreurs.
Alors, la prochaine fois qu’un projet nous promet des rendements incroyables, souvenons-nous de ce vieil adage : "Quand c'est trop beau pour être vrai, c'est sûrement une arnaque."
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