Ici quand on mentionne le mot fleuve, c’est du sérieux. Pour fixer les idées, la Volga fait couramment 1 à 5 kilomètres de large. La Seine à Paris c’est juste une rivière moyenne, et nombreux sont les Russes qui m’ont traduit leur surprise et désillusion en parcourant les 150 mètres du pont Mirabeau.
Ça ne lutte pas dans la même catégorie
Donc quand on parle croisière, on ne s’embarque pas sur la péniche du coin, mais plutôt façon transatlantique, sur un bâtiment de 120 mètres de long et 17 mètres de large.
Je vous invite à nous suivre au long d’un périple de 8 jours, pour une remontée de la Neva depuis St Pétersbourg la Belle, en empruntant un tronçon de Volga, jusqu’à la Moskova, en passant par les lacs Ladoga et Onega qui sont de véritables mers intérieures. Périple de 1200 kilomètres qui nous obligera à passer 16 écluses gigantesques, pour franchir les quelques 160 mètres de dénivelé.
Depart de croisière, St Pétersbourg :
La ville fera l’objet d’au moins un article séparé, tant les liens historiques qui unissent l’ancienne capitale de la Russie à la France sont nombreux et ses richesses architecturales et artistiques variées.
À Pétersbourg nous sommes arrivés par le train rapide qui relie St Pétersbourg à Moscou : le Sapsan
Voir Article : "Les Trains Ordinaires en Russie"
La levée des ponts lors des Nuits Blanches est toujours une période de l’année attendue, autant par les indigènes que par les touristes.
Embarquons sans tarder, avec petit pincement au cœur de passer si près de l'Ermitage, de l’Amirauté et de la Forteresse Pierre et Paul, sans prendre le temps d’une nouvelle visite.
Reconnaissance du Bateau : le Kronstadt, les cabines (luxe s’il vous plait), les parties communes Restaurants et salle de Réunion et Spectacles, et on quitte déjà la ville, pour courir vers l’aventure au galop de nos 2000 chevaux.
Le Lac Ladoga et l’Ile de Valaam :
Au nord de Saint-Pétersbourg, entre Finlande et Carélie, s’étend le lac Ladoga. Cest équivalent à 3,5 départements moyens français, la plus grande surface d’eau douce d’ Europe.
Avant même la traversée du lac, le visiteur est plongé dans l’atmosphère particulière des lieux, par la présence de pèlerins sur le bateau, un peu distants, à part, comme déjà ailleurs, tous tournés vers Valaam, l’île vers laquelle nous nous dirigeons.
Tandis que le navire se fraie lentement un passage dans les eaux sombres du lac, les rives grises et roses blêmes bordent les flots d’une lèvre âpre, comme menaçante. Une nappe de brouillard ça et là ajoute encore à l’étrangeté.
Photo : vladimir-riabkov-priroda-peizazh-ozero-ladoga-ladozhskie-shk
Dans la partie Nord du lac, Valaam abrite l’un des plus anciens monastères de Russie, refuge des ermites et des pèlerins las de l’agitation des villes. Le monastère de Valaam est un endroit des plus mystérieux et caché de l’âme russe.
Cette « forteresse du monachisme russe », est véritablement un lieu hermétique, plein de secrets. En abordant, on est immédiatement frappé par la nature morne presque sinistre, des bois de sapins grêles et de pins chétifs qui poussent sur un sol aride granitique grisâtre, parsemé de mousses et de lichens, entre les marécages et les petits lacs sombres.
Photo : vladimir-riabkov-priroda-peizazh-ozero-ladoga-ladozhskie-shk
Valaam peut se traduire du Finnois de 2 manières : « terre haute et montagneuse » ou « terre de lumière ». La deuxième version est liée à la composante spirituelle de l'île : le monastère actif Valaam Spaso-Preobrazhensky, et la cathédrale de la Transfiguration (XVIII-XX siècles), également appelée Athos du Nord et Nouvelle Jérusalem.
À peine repris la navigation, le climat particulier de cette zone se fait sentir, et un grain se lève, rapide et fougueux. En quelques minutes des vagues de 2 mètres nous assaillent, et une pluie violente flagelle et chasse les derniers curieux-badauds du pont, à nuit tombante. On court se mettre à l’abri derrière les grandes baies vitrées, spectacle étonnant et superbe.
Mais tempête brève, soir tombant, et déjà au refuge dans le chenal qui mène au canal, vers le lac Onega.
Le début de la transition fluviale entre les lacs Ladoga et Onega, se déroule la nuit, et vous dormez gentiment bercés par le ronronnement des machines, tout soucis assoupis.
Pour peu que votre chambre soit au niveau inférieur, votre sommeil sera encore plus profond. La raison ? - dormir sous le niveau de l'eau est une thérapie.
Sainte-Trinité Alexandre Svirsky :
Au petit matin, arrivée à Lodeinoe Pole, ou les bus nous attendent pour nous conduire 21 kilomètres plus loin, au monastère de la Sainte Trinité.
Le monastère a été fondé par saint Alexandre de Svir à la fin du XVe siècle.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, constructions extensions expansion, succèss story, puis la révolution tombe, qui « organise » le pillage et les exécutions, en janvier 1918.
Les bâtiments sont alors « reconvertis » : une école technique, un hôpital psychiatrique et des ateliers de serrurerie. Les bâtiments fraternels sont adaptés transformés en auberge et cinéma, et le clocher, en château d'eau.
Pendant les répressions staliniennes, la « résidence » devient prison et caserne.
Les photos de : https://architectureguru.ru/alexander-svirsky-monastery/
De nos jours, le monastère, uniquement masculin, est constitué de deux ensembles de bâtiments, situés à 200 mètres l’un de l’autre. Les deux parties forment un groupe architectural unique de monuments des XVIe-XIXe siècles.
La première unité se concentre autour de l’Église principale dite de la Transfiguration.
Le deuxième complexe autour de l’Église de la Trinité, avec les bâtiments des cellules fraternelles et de la vie communautaire.
Un dernier salut au moine-jardinier-guide et les véhicules nous reprennent vers le vogue-navire.
Mandrogy :
Au milieu de l’après-midi, nous accostons à Mandrogy
Le village de Mandrogy est une fantaisie de milliardaire, un lieu purement touristique desservi par les bateaux de croisière et vivant surtout grâce à eux.
Tous les bâtiments sont construits dans le style d'un village traditionnel russe, mais avec extravagance et délire imaginatif. Tout un complexe de musées y a été créé, présentant différents aspects de la vie paysanne.
Le travail du bois des bâtiments et les éléments décoratifs hauts en couleurs, sont remarquables. Produits locaux et souvenirs à foison.
Le bateau piaffe déjà, et la cuisine s’agite pour la soupette du soir.
Le Lac Onega :
Au matin le spectacle du lac Onega est étrange et insolite. Les Rives sont parsemées de gros « grains de sable », en granite, arrondis, laissés derrière eux par les glaciers, il y a 10 000 ans.
Blocs de Granite, roulés et abandonnés par les glaciers
Les rives s’éloignent, doucement et nous nous dirigeons vers l’île de Kizhi.
L’ île de Kizhi :
Kizhi Pogost : l’enclos de Kizhi
Nous glissons vers l’île de Kizhi au Nord du lac Onega, pour visiter l'impressionnant musée de l'architecture en bois, célèbre pour son « Église de la Transfiguration », si caractéristique, avec son toit Multi-Bulles, église inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO. L’île abrite également de nombreux autres bâtiments anciens en bois, précautionneusement déplacés de toute la Russie.
Voir Article :"Eglises orthodoxes, Des Bulbes et des couleurs"
Le pogost de Kizhi est l’un des lieux les plus visités de Russie. Le musée en plein air attire la foule, par ses chefs-d’œuvre architecturaux uniques et son atmosphère énigmatique.
Au premier chef attardons nous sur la majestueuse église de la Transfiguration, tout en bois, construite en 1714. Cet édifice a été érigé selon les traditions nordiques, sans usage de clous. Sa toiture sculptée est ornée de 22 coupoles de tailles différentes qui lui donnent cet aspect fantastique et délirant.
L’Église de la Transfiguration, dont le bulbe central culmine à 37 mètres, est le chef d'œuvre des compositions étagées à coupoles multiples construites d'un seul tenant, telles qu'elles étaient apparues dès le Haut Moyen Age à Sainte-Sophie de Novgorod. Ici, l'architecte a disposé sur un volume central octogonal, quatre chapelles positionnées aux points cardinaux. Partant de cet octogone, les voûtes en berceau se joignent en une pyramide tronquée.
À l’intérieur, une iconostase sculptée sur quatre niveaux et recouverte d’or, porte 102 icônes du XVIIe au XVIIIe siècle. Le contraste, avec les poutres des parois sobres et sombres, est surprenant.
Photo : Portail Officiel de la République de Carélie
Le bois de ces tuiles, en France c’est du châtaignier (c’est parti pour 100 ans !) ou de l'épicéa en montagne. Ici c’est plutôt du Tremble ou mieux encore du Mélèze.
L’Église de la Transfiguration, était utilisée uniquement pendant la saison d'été quand les fidèles affluaient à l'office depuis les parties les plus reculées de la paroisse. Elle est datée de 1713-1714.
Pour les travaux de restauration en cours : le rapport de l’UNESCO :
http://kizhi.karelia.ru/media/info/files/attached/1512/pdf-en_soc_report_2014-2015.pdf
L'Église de l'Intercession, ou Église d'hiver, de structure plus simple, a été construite en 1764. Elle appartient au type "prisme octogonal sur cube".
Une couronne, composée de 8 coupoles, entoure le bulbe central, qui culmine à 27 mètres.
Le Campanile est le troisième élément de cet ensemble unique de l’enclos de Kizhi, et le carillonneux nous offre un concert de toute volée.
La construction initiale date de 1862, en pin et tremble, avec restauration en 1954.
Le Carillon du Campanile et le Carillonneux à l’Œuvre
Le Musée de la Construction en Bois
Sorti de l’enclos, les habitations et réalisations, sont regroupées dans ce musée à ciel ouvert. Elles offrent un témoignage exceptionnel sur l'architecture traditionnelle en bois de la Carélie, mais plus largement de la Russie du nord et de l’espace finno-scandinave.
En route pour le Sud :
Après Kizhi, en route vers le sud. Une soirée musique en écoutant les jazz-men de service, nous aidera à prolonger le dépaysement et à préparer notre nuit sereine pendant la traversée du lac Blanc.
Le site de Goritsy :
Dans l'après-midi, nous rejoignons Goritsy, un petit village pittoresque de 500 habitants.
Goritsy, outre ses quelques habitants, est surtout un centre monastique, couvent pour femmes.
A l’intérieur des murs du monastère se dressent quatre églises :
La cathédrale de la résurrection en pierre de deux étages, au toit noir, construite en 1544
Église de l'Intercession de la Sainte Vierge toit rond et vert pale
Le Toit rond et vert clair : la cathédrale de la Trinité vivifiante
l'église cathédrale du couvent de la résurrection, au toit vert criard
Le couvent a depuis le XVIe siècle, longtemps, servi de lieu d'exil aux femmes russes de haut rang en disgrâce.
Goritsy est situé à proximité du célèbre Monastère de Kirill-Belosersk (Saint-Cyrille).
Après une visite du village, un bus nous mène au monastère. On y profite d’une visite au musée des icônes, mais on y prend aussi le temps d’une baignade dans la rivière Cheksna (notez : maillots de bain à prévoir).
Les Écluses Spectaculaires :
Notre navigation est ponctuée comme corsetée par quelque 16 passages étroits : les écluses. Constructions titanesques, à la mesure de ces fleuves, avec en moyenne un dénivelé de 10 mètres par sas.
Kaliazin sur la Volga :
Le clocher survivant d’une église détruite
Clocher de la cathédrale Saint-Nicolas à Kalyazin, région de Tver.
Lors de la construction du réservoir d'Uglitch sur la Volga, une zone immense a été inondée, y compris la partie ancienne de la ville de Kalyazin. Le temple a été démantelé et le clocher laissé comme phare pour les navires de passage.
Uglitsh :
Pour commencer Uglitch, passage par son Barrage hydroélectrique, et l’apothéose des écluses géantes.
La Centrale Hydro Électrique et son Écluse au premier plan
La Volga ici n’en est qu’a 1/10eme de son parcours, de 3530 kilomètres
A Uglitch, deux églises sont associées au nom du tsarévitch Dimitri assassiné ici : L’Eglise « sur le sang » et l’Eglise « sur le terrain ». Les reliques du prince béni reposent dans cette dernière.
Dans l'église de Démétrius sur le sang, les fresques expressives attirent immédiatement l'attention. Elles racontent le terrible meurtre, qui a été l'une des raisons de troubles ultérieurs et de mouvements de population.
Rendus a Moscou :
Nous sommes déjà de retour à Moscou, au débarcadère près de la gare fluviale au nord de la ville.
La gare principale, visitable, est une œuvre architecturale post constructiviste, Art Déco, datant de 1937. Un bâtiment bateau avec galeries extérieures a balustrades, rappelant un ferry, mais curieusement doté d’un mat central.
Merci d’avoir voyagé avec nous, au plaisir de vous revoir sur nos lignes.
N’hésitez pas par vos commentaires à nous faire part de vos remarques, toujours bienvenues.
Quelques infos générales :
La vente des croisières fluviales commence dix mois avant le début de la navigation, les croisières elles-mêmes se déroulent de mai à octobre.
Bien organisées, bien rodées, confortables. Nombreuses directions Nord au Sud du pays, d'Est en Ouest de Moscou.
superbe !
Splendide