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Les îles Diomède, là où hier et aujourd’hui se côtoient

  • Photo du rédacteur: Alain Mihelic
    Alain Mihelic
  • 30 mai
  • 6 min de lecture

En prolongement de notre article précèdent, dédié aux habitants émérites de la presqu’ile de Ouelen, voici encore plus fort et isolé : les micro-iles Diomède. (Voir Article : « Ouelen, tout au bout du monde ».



Dans le détroit de Béring, les deux îles Diomède — qu’on nomme aussi Diomède Grande et Petite — appartiennent à deux pays différents :


  • La Grande Diomède (aussi appelée île Ratmanov) appartient à la Russie.


  • La Petite Diomède est sous contrôle États-Unien (plus précisément à l’État d’Alaska).

    Son autre dénomination : l'île Kruzenshtern.


carte montrant la pointe de l'Asie et celle de l'Amérique du Nord

Baiser intercontinental

Image Arte



En russe, elles sont appelées les îles Gvozdev, et comprennent les deux îles et plusieurs rochers au centre du détroit de Béring, à environ 35 km des deux rives.

 

L'île Ratmanov appartient territorialement à la Russie en tant que partie de l'Okrug autonome de Tchoukotka.

 


Les îles Diomède : Là où hier et aujourd’hui se font face


Ces deux îles sont distantes d’approximativement quatre kilomètres. Cela semble bien proche, mais tout un monde pourtant les sépare !


Entre elles passe la ligne de changement de date : donc, même si elles sont géographiquement voisines, 21 heures de décalage horaire les éloignent.


  • Sur Grande Diomède (Russie), il est déjà demain.


  • Sur Petite Diomède (USA), il est encore aujourd’hui.


On surnomme parfois ces terres « Tomorrow Island and Yesterday Island » — l'île de demain et l’île d’hier.


Par temps clair, depuis la Petite Diomède (USA), on peut voir à l’œil nu la Grande Diomède (Russie) qui est déjà au lendemain.


C’est l’endroit où l’Amérique et l’Asie sont "voisines" de palier. Et comme les commères, toujours prêtes à dire du mal des copines.


la ligne de changement de date

La ligne de démarcation


Pourquoi ce n’est pas exactement 24 heures de décalage ?? :

 

Fuseaux horaires sont politiques, et pas strictement géographiques


  • Les fuseaux horaires sont définis par les pays, pas strictement par la longitude.


  • La Russie (Grande Diomède) utilise un fuseau horaire avancé (UTC+12), même si géographiquement, cela pourrait être différent.


  • Les États-Unis (Petite Diomède) utilisent UTC−9 (heure de l'Alaska).


➤ UTC+12 (Russie) moins UTC−9 (USA) = 21 heures de décalage

En été, avec l'heure d'été américaine (UTC−8), le décalage devient 20 heures.

 


Ligne de changement de date décalée artificiellement


La ligne de changement de date n’est pas droite : elle fait un grand crochet autour de la Russie et d'autres pays pour ne pas diviser des territoires ou des zones administratives.


Ainsi, même si les deux îles ne sont qu’à 3,8 km l’une de l’autre, elles sont volontairement placées dans des jours différents, avec environ 21 à 23 heures de décalage selon la saison.



Une séparation familiale en pleine guerre froide


L’histoire de la population de l’île de la Petite Diomède remonte à plus de 3 000 ans, lorsque le site servait de camp de chasse, au printemps, pour des populations autochtones. Par la suite, des groupes inuit, notamment les Iŋalikmiouts, ont résidé de façon permanente sur l’île, chassant et commerçant des deux côtés du détroit de Béring.


Au moment de la découverte européenne, les îles étaient peuplées par ces communautés inuit parlant un dialecte inupiat ancien. Elles utilisaient l’île principalement comme campement d’hiver, attendant la saison de chasse à la baleine et d’autres ressources marines.


Le premier Européen à atteindre les îles fut l’explorateur russe Simon Dejnev en 1648, suivi par Vitus Béring en 1728, qui donna son nom au détroit.


La Petite Diomède fait partie des territoires cédés par la Russie aux États-Unis en 1867 lors de la vente de l’Alaska. La frontière internationale entre les États-Unis et la Russie sépare ainsi les populations qui vivaient auparavant en contact étroit.

 

 

Avant la guerre froide, les familles Inuites passaient librement d’une île à l’autre en kayak ou en marchant sur la glace. Mais après 1948, l’Union soviétique a déplacé une partie des habitants de Grande Diomède vers le continent et a fait de l’ile une base militaire fermée.


Résultat : des familles ont été séparées de force… par 39 km de mer glacée et un rideau de fer invisible.


 

Frontière « invisible » mais bien gardée


Il n’y a aucun poste frontière entre les deux îles, pas de douane, pas de pont (ni d'autorisation de traversée, en fait). Mais la garde côtière russe et les autorités américaines surveillent les environs. Un simple passage à la nage entre les deux pourrait entraîner une arrestation (ça a déjà été tenté !).


Comment les Gabelous contrôlent-ils quand la banquise s’installe ? Je n’imagine pas la contrebande de cigarettes ou d’alcool dans ces conditions.


photo aérienne de deux iles

La porte à côté


Une femme l’a fait à la nage… pour la paix !


En 1987, une nageuse américaine du nom de Lynne Cox a relié les deux îles à la nage, dans ces eaux glacées (environ 5 °C ), et cela sans combinaison spéciale.

A l’arrivée on pouvait craindre le pire, mais elle a été applaudie par Gorbatchev et Reagan, car son geste symbolisait une main tendue entre les deux blocs. On cherche volontaires pour raviver la flamme.


Photo aerienne de deux iles en période de printemps

Verdoyantes ou fausses couleurs ?


Qui vit là aujourd’hui ?


  • Sur Grande Diomède (Russie), il n’y a aucun civil, base militaire fermée oblige.

 

  • Sur Petite Diomède (USA), on trouve un petit village inuit inupiat (Diomède Ville), d’environ 120 à 150 habitants. Il n’y a pas de route, pas de port : les ravitaillements se font par hélicoptère.


vue sur une village au bord de l'ocean

Vue imprenable sur Diomède Grand-Ville et son helipad

 

 

Mode de vie des habitants de la Petite Diomède


  • Vie insulaire : La communauté est très isolée, avec un climat rigoureux, de longs hivers froids, souvent accompagnés de brouillard. L’île est dépourvue d’arbres, avec une végétation très limitée et entourée par une mer gelée une grande partie de l’année.


  • Approvisionnement et transport : Les habitants dépendent largement des livraisons par hélicoptère pour les vivres et le courrier, car la glace est devenue trop fine ces dernières années, pour permettre la construction d’une piste d’atterrissage en hiver. En été, les habitants peuvent voyager par bateau, mais globalement, les déplacements restent très limités.


  • Activités traditionnelles : La chasse est l’activité centrale, notamment la chasse aux phoques et aux morses, qui fournissent nourriture et ressources. Malgré cela, beaucoup d’habitants ne savent pas nager, ce qui est paradoxal compte tenu de leur dépendance à la mer.


  • Vie communautaire et éducation : Le village dispose d’une école dans laquelle environ 36 enfants sont scolarisés. Les enfants sont décrits comme curieux, sociables et chaleureux, et ils participent activement à la vie de l’île. La communauté organise aussi des actions collectives, comme des nettoyages de plage pour lutter contre les déchets apportés par l’océan.


enfants jouant sur une pente rocailleuse

Une vie en pente raide

Photo Sylvain Lavoie. Blog : « 5 continents à la Nage »

 

  • Infrastructures modernes : Malgré l’isolement, l’île est équipée d’électricité, d’un réseau permettant l’accès à la télévision et à la radio, d’un héliport et d’un poste de premiers secours. Ces infrastructures sont soutenues par des investissements des États-Unis pour améliorer la qualité de vie.

 

village au bord de la mer

Un petit coin de Paradis perdu

Photo Sylvain Lavoie. Blog : « 5 continents à la Nage »


  • Effets du changement climatique : Les habitants ressentent déjà les effets du réchauffement climatique, avec des phénomènes inhabituels comme le départ précoce des oiseaux migrateurs et la fragilisation de la glace hivernale.


  • Lien fort avec la nature : La présence régulière de mammifères marins comme les baleines est un aspect marquant de leur environnement. Ces observations renforcent leur connexion profonde avec la nature qui les entoure.


village pauvre au bord de la mer

Vue panoramique par beau temps


Les habitants de la Petite Diomède vivent dans un environnement extrême, avec un mode de vie traditionnel centré sur la chasse et la mer, mais ils bénéficient aussi d’infrastructures modernes limitées. Leur quotidien est marqué par l’isolement, les défis du climat arctique, et une forte solidarité communautaire qui les aide à surmonter les difficultés.


photo aerienne du detroit de Bering

Lexique des sites locaux. Ça l'excite


Quelques Chiffres :

 

Population : 135 personnes. (2011), hors militaires

Superficie : 13,51 milles carrés

Nombre d'îles : 2

Point culminant : 505 m

Densité de population : 3,65 habitants/km²

 

 

Les Esquimaux qui ont vécu sur Ratmatov (Grande Diomède) pendant longtemps l'appelaient Imaklik (« entouré d'eau »). L'île a été ainsi nommée par le navigateur Vitus Bering en l'honneur de Saint Diomède, dont la fête est célébrée le 16 août.

 

L'île Ratmanov porte son nom actuel depuis 1816, lorsque le voyageur Otto Kotzebue a exploré le détroit de Béring. Il a nommé l'île en l'honneur de Makar Ratmanov, son ami, avec qui il avait fait le tour du monde quelques années auparavant.


un homme cueille une feuille verte

Laitue locale sûre

Photo Sylvain Lavoie. Blog : « 5 continents à la Nage »

 

La Faune :


L’île abrite l’une des plus grandes colonies d’oiseaux de la région. Au total, 11 espèces d'oiseaux marins ont été recensées ici, avec au total de plus de 4 millions d'individus.

D'énormes volées d'espèces d'oiseaux divers affluent ici, y compris un type particulier de colibri : le colibri ocre.


Une importante colonie de morses vit sur l'île Ratmanov.

 

un plat avec des morceaux de gras

Du morse bien Gras

Photo Sylvain Lavoie. Blog : « 5 continents à la Nage »

 

Les baleines grises viennent également près de l'île pendant la saison de migration.


deux baleine plongent et des oiseaux planent au-dessus

Beau ballet des Belles baleines bleues

Photo Annie-Claude Roberge. Blog : « 5 continents à la Nage »

 



falaise rocheuse

Île Ratmanov


vue sur la mer depuis la cote

Coucher de soleil depuis l'île Ratmanov.


Falaise abrupte

Les oiseaux nichent sur les rochers de l'île Ratmanov




 

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