Quelques formes d’échanges marchands et de production en URSS, ci-dessous « Les Magasins Réservés BERIOZKA »
Beriozka (Magasins Réservés aux étrangers)
Les Beriozkas étaient des Magasins à accès limité, en principe réservés aux expatriés vivant sur le territoire Russe et où l’unique moyen de règlement (au moins au début) était les monnaies fortes, en particulier Dollar US, Mark, Sterling.
Dans le marasme et la désorganisation ambiante des années 60, la Nomenklatura s’était offert un moyen de justifier l’existence officielle de passe-droits, sous l’argument « apport de devises » par la clientèle étrangère.
L’URSS manquait cruellement de devises. En effet, le pays exportait des matières premières, mais parallèlement, il lui fallait importer des machines-outils pour assurer la production et se fournir en biens de consommation courante. Par ailleurs, le territoire étant passablement fermé au tourisme étranger, donc peu d’apport en devises à attendre par ce biais.
Une astuce qui arrangeait tout le monde (gouvernement et étrangers) était de mettre à disposition, dans des magasins à accès restreint, des articles importés. La marge appliquée était très confortable et les achats réglables uniquement en cash de l’Ouest.
Les diplomates et autres apatrides ne se plaignaient pas, ils avaient à disposition à peu près tout « comme là-bas ». Ils pouvaient aussi y côtoyer les Russes privilégiés, cadres du système, à qui on octroyait des bons spéciaux en équivalents devises.
Je ne sais pas si cette gymnastique avait un impact sur l’équilibre budgétaire de la nation, mais ça arrangeait bien du monde de laisser les crevards à la rue.
Gamme de Produits Offerts
Les Beriozkas étaient, en théorie, d’abord destinées aux touristes. Ces échoppes de luxe proposaient des bibelots et des souvenirs, des matriochkas, des boites laquées, des livres d'art, des bijoux d’ambre et pierres semi-précieuses de l’Oural, de la vodka. Un paradis pour touristes, un paradis du superflu. Mais graduellement la palette de produits s’est ouverte, vers l’électronique, magnétoscope, chaîne Hi-Fi,
le caviar, les fourrures. J’y ai acheté une chapka en peau d’écureuil que je traîne depuis ces années. En trente ans, j’ai acquis cinq autres coiffes, mais je reviens toujours à celle-ci qui allie légèreté, à une relative élégance. Qualité.
La viande y a fait son apparition quand les biens de consommation de base sont devenus de plus en plus rares dans le pays. Un nombre croissant de citoyens soviétiques trouvaient le moyen d'y faire leurs courses.
Le salami, l'un des articles les plus chers, atteignait 3 roubles le kilo (environ 4,00 dollars à l'époque), mais le porc et le bœuf étaient plus abordables.
Enfin, vers les années 1970, du mobilier y est apparu ainsi que des voitures de fabrication locale.
À cette époque, 7% des voitures vendues en URSS ont été achetées avec des devises étrangères dans les magasins Beriozka. La voiture la plus populaire était la Lada Sedan, qui coûtait approximativement 7 000 dollars. Curieusement peu de questions quant à l’origine des fonds et paradoxe délirant : un bien produit localement était vendu aux citoyens lambda en devise étrangère !
Les acheteurs étaient cependant le plus souvent les protégés du système, dont les emplois donnaient le droit de voyager à l'étranger et parfois d’y travailler : fonctionnaires tels les diplomates et les militaires, mais aussi des célébrités telles qu'athlètes, musiciens et autres représentants culturels.
Ci-dessous un extrait du catalogue Beriozka de 1975
La Volga à 9 193 Rbs soit 10 204 USD, c’était le grand luxe, mais la Moskvitch à 4 767 Rbs, soit 5 300 USD était abordable pour les fortunés.
Évolution des Prix du Catalogue Beriozka :
Extrait du Catalogue Beriozka de 1967
On voit ci-dessus que le Zenit 5, un très bon appareil reflex de réputation internationale, était en vente à 126,67 dollars, avec un taux de change officiel alors de 1 Rouble = 0,9 Dollar !
Extrait du Catalogue Beriozka de 1975
Pour comparaison, le Zenit 5, rebaptisé E était passé de 126 à 311 dollars.
Ci-dessous un tableau récapitulatif des tarifs de 1961 à 1988 pour quelques engins motorisés, en vert clair et le nombre de salaires moyens correspondants, en vert foncé :
Les chèques d'achat de la Vneshtorgbank et de la Vneshposyltorg
Les bons spécialistes techniques pouvaient postuler pour un emploi à l'étranger dans l’une des nations du Tiers Monde, alliées à l'URSS, et où les émoluments étaient payés en devises étrangères. Bien sûr, les candidatures étaient scrutées en détail et les quelques opérateurs de chantier, que l’ait pu rencontrer au Maroc et en Algérie dans les années 1980, se tenaient loin des problèmes tant politiques que techniques et des envies de désertion ne les accablaient pas, sachant leurs familles restées au pays.
Pour les autres, les couillons de base, le seul moyen d'accéder à l'argent étranger et aux chèques "Beriozka", passait par le marché noir, où les spéculateurs prenaient souvent une commission équivalente à plus de trois fois le taux de change officiel. (Voir Article : Le Marché Noir en URSS)
Les chèques de la Vneshtorgbank et de la Vneshposyltorg sont une sorte de "monnaie parallèle" officielle, qui existait en URSS entre 1964 et 1988. Ils n'étaient émis que sous forme de billets de banque, les pièces n'existaient pas.
Ces Chèques Vneshposyltorg étaient alloués comme salaire aux citoyens soviétiques, qui travaillaient à l'étranger pour le compte de la nation.
Ces chèques, considérés comme une valeur forte, donnaient droit d'accès aux magasins Beriozka.
Mais tous les détenteurs de ces certificats n'étaient pas égaux devant le comptoir de la Beriozka : il y existait trois catégories de chèques, qui différaient par la couleur et leur pouvoir d'achat. Chaque couleur donnait droit à des produits différents. Pour ceux qui avaient travaillé en Algérie, au Vietnam, aux Amériques ou en Europe, les rémunérations et les biens accessibles variaient en fonction des conditions de travail et des difficultés techniques et du grade.
Des comptes spéciaux étaient ouverts pour les propriétaires de ces chèques à la Sberbank de l'URSS, à partir de laquelle il était possible d'acheter des marchandises dans les magasins spéciaux "Beriozka".
Les Beriozkas ont disparu graduellement dans les années 1992-4, avec l’ouverture voulue par Gorbatchev, les voyages à l’étranger et le droit officiel de posséder de la devise.
En 1992, en raison de la faillite de la Vnesheconombank, ces comptes ont été gelés, et les fonds déposés, perdus.
Photos catalogue Vneshpolsyltorg Beriozka : https://picturehistory.livejournal.com/2253842.html
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