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Photo du rédacteurAlain Mihelic

Birobidjan : le rêve inassouvi d'une patrie Juive

Dernière mise à jour : 6 avr.

Dans les méandres de l'Empire russe, les Juifs ont navigué entre les persécutions incessantes et les périls des pogroms.

La plupart d'entre eux, se sont vu interdire de vivre dans les principaux centres industriels et culturels du pays. Ils ont été repoussés dans les regions les plus pauvres de l'ouest et du sud-ouest de la Russie.

Une poignée d'entre eux a même eu le privilège d'un exil exotique jusqu'en Sibérie, au Caucase, voire en Asie centrale.


Cyclotourisme au Birobidjan !


Peregrinations Historiques :


Après la Révolution d'Octobre, les Juifs russes se sont retrouvés dans une situation contradictoire, voire paradoxale.

Aux yeux des révolutionnaires, les Juifs faisaient partie des minorités ethniques les plus exploitées et les plus opprimées. Les bolcheviks, estimaient qu'il était de leur devoir de protéger les Juifs.

Lénine et ses partisans considéraient les pogroms et les persécutions anti-juives comme des tentatives du tsarisme de détourner la colère populaire, en transformant les Juifs en boucs émissaires.


Quant aux Juifs eux-mêmes, ils considéraient les bolcheviks comme des alliés dans la lutte pour l'émancipation et les droits de l'homme. Il n'est pas surprenant que nombre d'entre eux, et surtout l'intelligentsia, aient rejoint les rangs révolutionnaires.


Il y avait beaucoup de Juifs dans le premier gouvernement soviétique, y compris des personnalités aussi importantes que Trotsky (Bronstein), Zinoviev et Kamenev. En août 1917, parmi les 21 membres du Comité central, 6 étaient juifs. L'une des premières mesures du gouvernement fut la création en 1918 d'un département juif spécial (Yevsektsiya).


«La révolution a offert aux Juifs de Russie de nombreuses opportunités, des droits égaux, l’éducation et une chance de combler le vide laissé par une élite forcée à s’exiler ». Mais, plus que tout, il s’agissait d’un refuge contre la vague de pogroms dans laquelle 150 000 Juifs ont été assassinés dans ce qui est maintenant l’Ukraine et ce que certains historiens qualifient de répétition générale de l’Holocauste. « En 1917, un Juif avait deux choix : la révolution ou l’exil».


Au sein des instances du parti, deux lignes s’opposaient : l'une défendant le concept d'autonomie culturelle pour les Juifs, l'autre visant à leur créer une entité territoriale-étatique.


À l'époque, environ trois millions de Juifs peuplaient l'Empire, la plupart faisant face à la misère. Entre les ravages de la Grande Guerre, les sévices des pogroms, les soubresauts économiques et l'effondrement de la NEP, ont mis la population juive au bord de l'anéantissement.

Plus d'un million de Juifs ont dû fermer boutique, leurs petites entreprises emportées par la tourmente. L'arrivée massive de Juifs pauvres dans les grandes villes industrialisées posait un sacré casse-tête au gouvernement soviétique. Ils étaient devenus les laissés-pour-compte et parias du système.


La première tentative sérieuse de mise en œuvre d'un projet de réinstallation de cette communauté, remonte à 1924-1925.


Une des options, était de créer en Ukraine et en Crimée, des coopératives agricoles. Mais les résultats de la campagne de réinstallation ont été décevants : seulement 75911 personnes, sur près de 2 millions de potentiels colons juifs se sont engagés dans l'agriculture.

La seconde alternative : "constituer une patrie juive, ou une république en Crimée", a dominé les discussions en 1926.


Staline, en tant que commissaire aux nationalités, a cherché des solutions au "problème des Tatars de Crimée", en les diluant grâce à un afflux de colons juifs. Mais vite les communautés ukrainiennes et tatares locales se sont montrées hostiles à «l'invasion».


Le projet de créer une patrie juive en Crimée ayant échoué, il fallait chercher une alternative, un autre territoire, libre ou habité, mais pas assez dense pour susciter l'hostilité de la population locale. Un tel territoire fut trouvé au Birobidjan, une région reculée de l'Extrême-Orient soviétique, de la taille des Pays-Bas et de la Belgique réunis.


Situation du Birobidjan sur le territoire Russe

Petit Point Rouge a 6 000 km de Moscou


Birobidjan, Coincé ente la Chine et le territoire de Khabarovsk









Coincé ente la Chine et le territoire de Khabarovsk



carte geographique du Birobidjan

Et Pourtant c’est très grand !!


Parmi les défenseurs les plus éminents du projet du Birobidjan figuraient M. Kalinine, L. Kaganovitch et J.Staline. Leurs principaux arguments, reflétés dans la décision gouvernementale du 28 mars 1928, étaient des considérations stratégiques : protéger la frontière extrême-orientale contre les assauts potentiels des chinois et japonais.


Malgré leur méfiance envers le sionisme, les dirigeants soviétiques ont commencé à chercher à l'étranger des sponsors juifs pour le projet Birobidjan. De plus, pour mieux convaincre, lors de la campagne de propagande, l'Evsektsiya a utilisé des slogans sionistes.


Les autorités soviétiques, espéraient un coup de pouce moral et surtout financier de la part de la communauté juive mondiale, en particulier celle des États-Unis. De grands espoirs étaient placés dans l’idée que les Juifs soviétiques et étrangers se détourneraient du sionisme pour s’occuper du projet d'une patrie juive au Birobidjan.


Blason du Birobidjan

Mettez un Tigre dans vos Armoiries


À un moment où il n’y avait au niveau international, que des conversations abstraites sur la création d’un État juif indépendant, la constitution par l’URSS d’une région nationale juive, fit coup de tonnerre et accélérer une contre réponse.


Le projet du Birobidjan n'était en fait d’abord qu'une action de propagande : « Le Birobidjan sera un pays socialiste, terre d'un prolétariat international, miracle de l'édification socialiste en URSS ».


Staline voulait apparaître comme un dirigeant sémiphile, En fait, il fit de son mieux pour « chasser les Juifs soviétiques dans les marécages ».


Birobidjan sous la Neige

Birobidjan des Neiges


Du Rêve à la réalité :


Birobidjan est située à 163 km à l'ouest-nord-ouest de Khabarovsk, à 630 km au nord de Vladivostok et à 6 014 km à l'est de Moscou.

La population locale se composait initialement de Coréens, de Cosaques et de Tungus et ne comptait que 1192 personnes.


Monument en forme de Menorah sur le parvis central

Monument en forme de Menorah sur le parvis central de la Capitale

(chandelier a 7 bougies)

Wikipédia


Le premier groupe de colons, est arrivé en 1928. Leurs rêves de trouver une "terre de lait et de miel" ont été anéantis peu après leur arrivée. L'enthousiasme fit rapidement place à la déception. Le territoire du Birobidjan, loin d'être la terre promise, était périodiquement inondé et peu propice à l'agriculture.


Monument en l’Honneur des premiers Colons

Monument en l’Honneur des premiers Colons


En mai 1934, en réponse aux mouvements militaires japonais en Mandchourie, Moscou déclara le Birobidjan « région autonome juive », afin d’y attirer plus de colons. C'était la plus petite unité administrative du système fédéral de l'Union soviétique, mais le Birobidjan n'a jamais reçu le statut de république.



Birobidjan a aussi sa Rue Pouchkine

Birobidjan a aussi sa Rue Pouchkine


La communauté juive n’a jamais éprouvé d’intérêt pour le Birobidjan. Les documents statistiques montrent que sur les 20 000 personnes de confession Juive qui ont déménagé au Birobidjan entre 1928-1933, et 11 500 (60%) ont quitté la région au cours de la même période. Les appels de la propagande soviétique aux migrants juifs étrangers ont également échoué. Entre 1931 et 1936 seuls 1 374 Juifs non Russes, prirent racine au Birobidjan, la plupart originaires de Lituanie.


Birobidjan-Ville, l’été

Birobidjan-Ville, l’été


En 1938, a Birobidjan, toutes les institutions juives telles que les musées, les synagogues et les journaux ont été fermées.

À cette époque, des réfugiés juifs venant d'Allemagne et de Pologne arrivent dans la région. Mais à cause de la misère de la vie locale, le Birobidjan ne fut pour eux qu'un point de transit. La plupart des nouveaux arrivants se sont installés à Shanghai, à l'époque la plus grande colonie juive d'Asie de l'Est.


Style chinois a Birobidjan

Tiens un Style venu d'ailleurs !


En 1946, alors que le rêve d'un État juif en Palestine devenait réalité, les dirigeants soviétiques eurent peur de la montée du sentiment sioniste parmi les Juifs soviétiques. Pour répondre à cette situation, le projet Birobidjan a de nouveau été réanimé. En 1947 et 1948 douze trains spéciaux ont quitté Kherson, Nikolaïev, Dniepropetrovsk et Odessa pour Birobidjan. Mais encore une fois, , mais l'afflux ne dépassa guère les 10 000 aventuriers.


L'antisémitisme officiel atteint son apogée en URSS au début de 1953, lorsqu'une campagne contre la « conspiration des médecins » du Kremlin est lancée. (Voir Article : La Poliomyélite et le Virologue Mikhail Tchumakov).


Juste avant sa mort en 1953, Staline planifiait la déportation de tous les juifs soviétiques vers le Birobidjan.


En 1959, seuls 14 269 Juifs vivaient dans « leur » région autonome (ce qui représente 8,8 % de la population du Birobidjan et seulement 0,7 % du nombre total de Juifs soviétiques).


La place centrale de Birobidjan

Jeux d’O


Birobidjan d’aujourd’hui :


La région autonome juive est l'une des régions russes les plus étranges. En Russie, il y a des républiques nationales, il y a des districts autonomes, il y a des territoires, il y a simplement des régions, mais cette région autonome est la seule dans son genre, et son autonomie est très conditionnelle et se résume à sa propre langue nationale, que quasi personne ne parle à présent.


La gare de Birobidjan

Edgar du Nord


Les potentialités de la région sont pourtant réelles :


- Agricole, sur les terres riches des plaines de l’Amour (une fois maitrisés les débordements du fleuve), avec productions céréales et fourragère


– Industrie lourde et exploitation du minerai de fer à Khingan : Kimkano Sutarskiy Complex.


La place centrale de Birobidjan

La place centrale de Birobidjan


Population :


Birobidjan (en russe : Биробиджан ; en yiddish : ביראָבידזשאַן) est le centre administratif de l'Oblast autonome. Sa population s'élevait à 70 064 personnes en 2021 et 163 000 pour l’oblast, soit 0,1% de la population totale de la Russie.


Hôtel de Ville Style Bauhaus

Hôtel de Ville Style Bauhaus


En 2010, selon les données fournies par le Bureau du recensement russe, il n'y avait plus que 1 628 juifs dans l'Oblast (moins de 1% de la population), tandis que les Russes ethniques représentaient 92,7% de la population. Le judaïsme n'est pratiqué que par 0,2% de la population de l'Oblast.


Intérieur de la Synagogue

Intérieur de la Synagogue


Birobidjan une blague ?

Birobidjan He hé hé ! Esclaffage interdit


En Conclusion :

 

Malgré les rêves un peu fous et les projets grandioses, le Birobidjan n'a jamais été plus qu'un mirage dans le désert ? non mirage dans le marécage !



Sites d'inspiration :


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